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LE CABINET DE PEIRESC
ET DE QUELQUES AUTRES


AGNÈS BRESSON

 

Nicolas Fabri de Peiresc, conseiller au Parlement d'Aix-en-Provence, mort dans sa cinquante-septième année en 1637, a été considéré de son vivant comme le prince des curieux. Prodigieux érudit, il fut aussi un véritable savant - le premier qui ait corroboré par l'expérimentation la théorie de Harvey sur la circulation sanguine, qui ait l'un des premiers dressé la carte de la lune(1), fait progresser la numismatique et pratiqué d'instinct la critique historique -. Son originalité et l'intérêt qu'il a suscité à travers les siècles viennent sans doute de ce que ce personnage omniscient n'a jamais publié une ligne. Il n'en répandait pas moins généreusement son savoir par son immense correspondance. Pour son plaisir et son enseignement personnel, il prit soin de se constituer ce que nous nommerions aujourd'hui un musée privé (2) et qui s'appelait au XVIIe siècle un "cabinet de curiosités". C'est cet aspect de sa démarche que nous nous proposons d'étudier ici.

Voilà bien une personnalité que l'on ne peut ignorer, dès lors qu'on s'attache à l'étude et à la propagation du savoir aux âges du maniérisme et du baroque.

S'il est impossible d'ignorer ses qualités d'homme de science et, si l'on peut dire "d'éminence grise" du milieu scientifique de son temps, Peiresc mérite-t-il une place à part dans le domaine de la collection? Le cabinet de curiosités qu'il avait constitué dans sa demeure d'Aix est-il différent des dizaines, sinon des centaines de "cabinets" contemporains, italiens, anglais, germaniques, hollandais et français, dont l'étude a si fort progressé depuis l'ouvrage pionnier de Schlosser en 1908 jusqu'aux remarquables synthèses de Krzysztof Pomian (1987) et d'Antoine Schnapper (1988) que nous connaissons tous? (3)

C'est parce que la question m'a été posée de savoir si la réputation exceptionnelle de Peiresc était justifiée dans le domaine précis de la collection d'objets rares et curieux - naturels, produits par la main de l'homme ou remarquables par leur singularité (artificialia, naturalia, mirabilia) - que j'ai écrit les pages qui suivent en réponse.

A l'inverse des auteurs de romans policiers, qui savent entretenir le suspens jusqu'à la dernière page, je vais vous donner tout de suite ma réponse- que je m'efforcerai ensuite de justifier. Oui, Peiresc mérite une place à part parmi la cohorte des collectionneurs ses contemporains- du prince aux trésors éblouissants - jusqu'au modeste professeur et au médecin , rassembleur de plantes, de coraux et de bézoards. C'est pourquoi nous allons ensemble revisiter un cabinet qui fut, me semble-t-il différent des autres.

Peiresc n'est pas un "collectionneur" au sens vulgaire du terme. Ce n'est pas un simple rassembleur de pièces rares. Il ne peut être mis au rang des maniaques dont certains sont toutefois assez lucides pour se considérer, non sans humour, comme atteints d'une "maladie incurable" (4), contagieuse bien que non mortelle, dont déclare souffrir Charles Spon.

Lui fait écho François de Ranchin (1560-1641), chancelier de l'Université de Montpellier, dans une lettre qu'il écrit précisément à Peiresc en 1614, et dont M. Schnapper souligne avec raison le particulier intérêt: "Vous sçavez que les appétits des curieux sont différents, selon les professions, les humeurs, les moyens et la commodité des lieux. Pour moy ceste maladie ne me pousse qu'aux livres et aux pièces qui regardent l'antiquité, comme médailles, graveures, pièces de relief de marbre, de bronze, pièces de funérailles et de sacrifices, Tableaux, Fleurs pour les Jardins et distillations froides. Voilà mon fond" (5). Et enfin: "J'ay un jardin peuplé de belles fleurs et un cabinet fait et parfait de tout ce qui se peut distiller, qui est la plus belle pièce que j'aye. Je ne suis pas de ces fouls qui souflent, mais j'ay acheté ce cabinet tout fait et garni" (6). Voilà une lettre charmante, mais aussi une collection qui est conçue dans un esprit radicalement différent de celui qui préside à la constitution du cabinet de Peiresc.

Ce qui fait l'originalité de la collection du parlementaire d'Aix est qu'elle est, pour son propriétaire, un instrument de travail, ou plutôt, et à la fois, l'origine et le produit étroitement confondus des thèmes de recherche. Je me hasarderais volontiers à dire qu'il ne s'agit pas d'un cabinet de curiosités, mais bien du cabinet de la curiosité scientifique (n'ayons pas peur de l'adjectif) de son propriétaire.

Toutes les pièces qui le composent ont, en effet, été recherchées et rassemblées parce qu'elles pouvaient nourrir les expériences et accroître les connaissances d'un savant et non point la satisfaction esthétique d'un amateur. Même si elles ont été acquises sans dessein arrêté d'avance, dès qu'elles ont été tirées des caisses que les rouliers (transporteurs) apportent à Aix ou Belgentier, elles sont devenues les objets et les instruments d'étude d'un homme qui emploie son goût de l'expérimentation et son esprit critique à élucider les questions que suggère à sa prodigieuse érudition la vue d'un objet quelconque- qu'il s'agisse d'un produit de la nature ou de l'industrie humaine.

Cette originalité foncière de la collection Peiresc a été parfaitement mise en lumière par Gassendi dans la biographie que celui-ci a consacrée en 1641, à son grand ami, quelques années seulement après sa disparition. Aux yeux de Gassendi, Peiresc ne peut être rangé dans la catégorie des collectionneurs qui acquièrent des antiquités "pour la garniture de leurs armoires et l'ornement de leurs demeures et s'attachent seulement à les possséder pour qu'on les en sache possesseurs" (7). Il les rassemble pour "éclairer par elles la lecture des bons auteurs, pour illustrer les circonstances de l'histoire et pour mieux graver dans les esprits les personnages, leurs faits et les grands événements" (8).

De là plusieurs conséquences qui sont autant de preuves du caractère tout à fait singulier du cabinet de Peiresc.

D'abord, ainsi que le remarque à juste titre M. Schnapper, la collection d'objets est inséparable de la prodigieuse collection de notes et de lettres qui se trouvent principalement aujourd'hui à Carpentras (peut-être, selon M. Schnapper, "40 000 pages environ en 130 volumes") (9). En effet, dès que la curiosité de Peiresc s'éveille sur une question, un mécanisme se met en place dont rien ne pourra désormais entraver la marche, celui de la correspondance peirescienne, fondée sur un immense réseau d'amis et de simples relations et qui renferme dans ses mailles tous ceux qui comptent dans le domaine du savoir. Soit parce que princes, prélats, grands seigneurs, ils sont eux-mêmes collectionneurs ou, par leur pouvoir, capables d'ouvrir des portes qui resteraient closes à un simple solliciteur. Soit, parce que simples amateurs, ils possèdent des cabinets riches en objets susceptibles de compléter la documentation peirescienne dans le domaine précis qui le préoccupe. Soit enfin, parce que savants eux-mêmes, ils peuvent donner des explications utiles à leur correspondant.

Personne n'a ausssi généreusement dispensé son propre savoir que Peiresc. Mais qu'on ne s'y trompe pas, c'est moins par générosité naturelle (quoique celle-ci soit incontestable) que pour susciter des informations ou provoquer des discussions critiques qui contribueront à éclairer le sujet traité. L'érudition appelle l'érudition. On pourrait donner mille exemples de cette démarche, dans les domaines les plus variés, tant sont diverses les curiosités de Peiresc, l'homme du monde le plus étranger à l'esprit de spécialisation qui dresse aujourd'hui des cloisons étanches entre des savoirs désormais compartimentés.

Pour faire bref, je me bornerai à évoquer un sujet qui a constamment préoccupé Peiresc et suscité quantité de lettres et d'investigations: l'étude des antiquités, parmi lesquelles figurent en nombre considérable les vases et les récipients de terre ou de métal. Peiresc s'est demandé si l'on pouvait repérer dans ce matériel surabondant des exemplaires qui pussent donner des informations sur les mesures légales de volume en usage à Rome. Il voulait prouver qu'un vase d'une certaine capacité avait un poids correspondant.

Dès lors, de 1629 à 1634 est mise en oeuvre la quête des informations. D'une part auprès des érudits, profonds connaisseurs de la littérature antique: Holstenius, Saumaise, Bouchard, Bernardin de Corneilhan, évêque de Rodez: "Il se faict encore un autre recueil des autheurs grecz et latins qui ont traicté de ponderibus et mensuris dont j'ai ramassé bon nombre de pièces assez rares tant de la bibliothèque du roy et de celle du Vatican et de la République d'Auspourg que d'autres particuliers" (Peiresc à l'évêque de Rodez, 21. XII. 1634) (10) .

D'autre part, auprès des possesseurs de pièces que Peiresc juge particulièrement intéressantes, il recommande à Denis Guillemin de faire quelques amabilités au "sieur Gault, qui a un si beau cabinet à la gallerie des Tuilleries pour vaincre et radoucir un peu la rudesse de son humeur arabe et pour ayder à le disposer de me laisser prendre la communication de ses trois vases de bronze antiques, sinon jusques icy, au moins jusque chez vous, afin que vous ayez plus de commodité de les faire portraire et examiner leur contenance et capacité à ma mode, et en un besoing quand ce ne seroit que pour les y faire mouler en plastre, car je ne laisrois pas de me servir de l'empreinte de plastre, principalement si vous faisiez faire des petites boites ou tuyaux de fer blanc qui ne continssent pas davantage d'eau que chascun desdictz vases bien au juste comme il est bien aysé de le faire, car le fer blanc se peut couper de la haulteur qui luy est necessaire pour contenir toute l'eau qui remplit le vase antique, sans qu'il aye rien de trop ou de trop peu. Auquel cas on pourroit escripre sur les boittes de fer blanc certains nombres et certaines lettres qui eussent leur rapport à ces empreintes ou modelles de plastre, et pourroit ou uzer de la mesme diligence pour le regard du vase du sr Vivot, orphevre, qui se pourroit mouler en plastre comme les aultres au deffault de la veüe des originaux, et prendre sa contenance dans une boite de fer blanc bien adjustée"(11).

Voilà bien un témoignage où l'on mesure la minutie et les précautions de sa méthode expérimentale. Enfin un autre exemple de celle-ci, Peiresc aimerait connaître la contenance des écuellons d'argent de Mr de Roissy: "S'il y avoit moyen de les faire mouler... je pourrois comparer la contenance du modele que vous aurez fait faire, avec celles de mes vases et mesures antiques que m'apporte de Rome M. d'Arene de la part non seulement du cavalier dal Pozzo et autres de mes amis, mais encore du cardinal Barberin, qui a voulu qu'on m'envoyast tous les plus curieux vases qu'il eust..." (12)

Confiant dans les talents de négociateur de Denis Guillemin, prieur de Roumoules, il n'hésite pas à lui faire obtenir des moines de saint-Denis, le démontage de leurs vases les plus précieux pour en connaître la contenance. Il obtient que l'on mesure pour lui les vases byzantins du trésor de Saint-Marc et à Gênes, celui du Sacro Catino.

On le voit, les recherches de Peiresc sur les poids et mesures s'étendent à toutes les sources possibles, au premier rang desquelles figurent les objets antiques qu'ont déjà réunis les collectionneurs. Cette démarche, Peiresc l'a constamment pratiquée. Par exemple, lorsqu'il cherche la signification du décor qui figure sur le trépied de bronze, découvert à Fréjus en 1629, qui lui avait été offert par le chanoine Nicolas Anthelmi. "Pendant des années, écrit M. Schnapper, Peiresc rassembla tout le matériel possible de comparaison, autres trépieds du même genre, médailles..." (13) Et il compare son trépied à celui qui est alors conservé dans le cabinet de Paolo Gualdo (Vicence, 1548- Padoue, 1621) archiprêtre de la cathédrale de Padoue, docteur en droit et en théologie. Gassendi nous relate dans la Vita Peireskii, à l'année 1637: "Fuit denique Apographum graecae inscriptionis de laboribus Herculis, quam videre, obtinereque eo usque non potuerat; marmore intra easdem aedis Farnesianas delitescente" (14). Le dessin intitulé "Marmor Farnesianum cum tripode" (15) lui fut envoyé par son émule italien Cassiano dal Pozzo (1588-1657) (fig. 1-2).

Voilà pourquoi, Peiresc est peut-être l'homme de son temps qui s'est le plus intéressé aux cabinets de curiosités. Non pas dans le vain souci de rivaliser avec les collectionneurs, mais bien parce qu'il considère les collections des autres comme des assemblages de sources, archéologiques et historiques, mises à la disposition des érudits.

Dès ses voyages de jeunesse, Peiresc a visité systématiquement les cabinets de curiosités. Lors de son voyage en Italie (1599-1602), alors qu'il est inscrit comme étudiant à l'université de Padoue, il fait la connaissance de l'érudit et mécène Jean-Vincent Pinelli (Naples, 1535-Padoue, 1601), (16) qui non seulement lui ouvre les portes de sa très riche bibliothèque (en particulier de manuscrits de stratégistes byzantins), de son musée scientifique (nombreux instruments de mathématiques), de sa galerie de portraits de grands hommes, mais l'introduit auprès des membres de la République des Lettres (Scaliger et Clusius à Leyde, Juste Lipse à Louvain, Velserus et Occon à Augsbourg, Jacques-Auguste de Thou à Paris). Pinelli joua un rôle considérable dans la formation intellectuelle du jeune Nicolas, qui devint son émule.

A Venise, où il se rend tous les trois mois pour retirer de l'argent chez son banquier, Peiresc rencontre Domenico da Molino, sénateur et numismate. Le doge Jean Mocenigo, qui possède une riche collection de médailles. lui montre les raretés de la ville. Federigo Contarini (1538-1613), procurateur de Saint-Marc lui fait les honneurs de son musée "instructissimum" (17). Nicolas-Claude lui révèle le prix et l'intérêt de ses collections et déchiffre notamment les légendes de ses monnaies grecques. Aussi Contarini se prend-il d'amitié pour le jeune Fabri. Le chevalier Bembo lui vend de nombreuses antiquités jusqu'à être dépouillé de la presque totalité de ses antiquités, héritées du cardinal Bembo; enfin, le patriarche d'Aquilée s'empresse de lui faire découvrir son cabinet, qui renferme pas moins de trois cent camées fort rares.

En septembre 1600, le jeune Fabri et son frère décident de partir pour Rome et s'arrêtent à Bologne pour admirer le médaillier de Cesare Veli. Le 20 septembre ils parviennent à Florence pour assister au mariage par procuration de Marie de Médicis avec Henri IV. Nicolas mettra à profit son séjour d'un mois dans la capitale toscane pour nouer des véritables liens avec Ricardo Riccardi, grand amateur de plantes et d'antiquités.(18) Arrivé à Rome, tous les érudits l'accueillent: le collectionneur Lelio Pasqualini (1549-1614), l'archéologue Fulvio Orsini (1529-1600), bibliothécaire du cardinal Farnèse, Paolo Gualdo (19), Pignoria (20), le jésuite Jacques Sirmond.

A peine parvenu à Naples, Nicolas-Claude se précipite chez les frères Vincenzo et Giambattista Della Porta (1535-1615) (21), savants physiciens qui possèdent un cabinet de médailles. Bien des années après, dans son commerce épistolaire avec Claude Menestrier, Peiresc évoque cette rencontre: "Bien aye-je reçu la medaille avec l'inscription ASSORV et CRYSAS... J'en avois autres foys veu une pareille entre les mains de feu Vincenzo della Porta à Naples, frere aîné de Gio. Bapt., parmy un grand recueil de trez rares antiquitez qu'il avoit, et en avois mesmes prins une empreinte de son adveu" (22). Grâce à eux il visite les curiosités: les musées, les cabinets de raretés de l'apothicaire Ferrante Imperato (1550-1625), dont l'ouvrage Dell' historia naturale  (23) donne la première représentation connue d'un cabinet de naturalia (fig. 3-4).

De retour à Padoue en 1601, il s'arrête à Foligno pour rencontrer le collectionneur Natalizio Benedetti (24). A Urbino, il feuillette les manuscrits de la bibliothèque du duc. A Mantoue, il observe la table égyptiaque, dite Bembine, en relève les détails à l'intention de Lorenzo Pignoria (Padoue, 1571-1631), chanoine de Trévise, qui lui aussi détient un cabinet de médailles et d'antiques (25).

"Peiresc fut généreux pour Pignoria, mais aussi à l'égard d'Ulysse Aldrovande, le célèbre auteur des Animaux qui eut de lui beaucoup de monnaies, surtout asiatiques, celles-ci pour l'illustration de ce qu'il avait déjà donné comme représentation des animaux, et qu'il rééditait. Ecrivant de Bologne, il promit, en reconnaissance, de rendre hommage à celui grâce auquel il avait progresssé; mais atteint bientôt de cécité, il ne put réaliser son projet." (26) Il est vraisemblable que le jeune Nicolas ne s'en tint pas à des relations purement épistolaires et qu'il se déplaça pour venir admirer les "théâtres de nature" de son ami bolonais (fig. 6-10).

Sur le chemin qui le ramène en France, il fait une halte à Milan où il observe le cabinet de Ludovico Settala (1552-1633), médecin à Pavie, père de Manfredo et rencontre le cardinal Federico Borromée, fondateur de l'Ambrosienne (27).

Peiresc a rassemblé les catalogues des collections qu'il pouvait se procurer de son temps, parce qu'ils constituent pour lui des répertoires de sources.

C'est ainsi qu'on trouve à la bibliothèque de Carpentras une copie de la première collection de Berent ten Broecke (1550-1633), dit Paludanus: "Catalogus generalis rarum fusilium et arte factum Bernardi Paludani medici Enchuisani". La collection de ce médecin d'Enchuisen avait été visitée par Peiresc, en 1606, lors du voyage en Hollande. La version manuscrite de Carpentras date de 1600 (28).

Un catalogue imprimé, un peu différent, publié par Jacob Rathgeben à Tübingen en 1603 décrit la collection (29). Un ouvrage de Basil Besler "Fasciculum rariorum", publié à Nuremberg en 1616 (30) et consulté par Peiresc donne une idée de ce type de collection (fig. 11-15) (fig. 16-20) : "Il y a de ces sortes de limaçons à divers estages (que l'on apporte des isles Phillipines, travailléz à la chinoise) qui se trouvent empierrez et engagéz dans la pierre, Basilius Beslerus en a mis le dessein en taille doulce dans son libvret intitulé Fasciculus rariorum etc., fol. XII, qui est la seconde planche des conchilia, soubs la cotte de Nautilus sculpturis indicis conspicuus, lequel y est representé brisé pour y faire paroistre les divers estages où nostre mer ne produict rien de semblable, ne d'approchant à cela" (31).

Parmi les ouvrages que possédait Peiresc, on rencontre un autre type de catalogue, celui des jardins Farnèse "Exactissima descriptio... plantarum... in Horto Farnesiano", publié à Rome en 1625 par Tobia Aldini (32).

Toutes les collections visitées par Peiresc sont des collections classées et rangées dans des "cabinets garnis de tiroirs et de compartiments. Qui dit collections dit mise en scène. Ce rangement prouve que les collectionneurs ont pour intention de mettre à la disposition des visiteurs leurs collections. Rien de pareil à Aix.

Au témoignage de Naudé: "La maison de Peiresc offrait l'aspect le plus bizarre. Surmontée d'un observatoire, encombrée de divers livres et de curiosités, "d'objets précieux des Indes, d'Ethiopie, de Grèce, d'Allemagne, d'Italie, d'Espagne, d'Angleterre, elle ressemblait à une foire fameuse, instar celeberrimi emporii."

Bonnaffé qui cite cette lettre de Naudé, ajoute: "La bibliothèque envahissait le plancher, grimpait le long des murs, débordait dans le vestibule; des colonnes de manuscrits, columnatum cumulati, se dressaient dans toutes les pièces, parmi les statues de marbre et de bronze, les vases, les médailles, les pierres gravées, les portraits entassés pêle-mêle avec les animaux singuliers, les momies, les instruments de mathématiques. La police était faite par une armée de chats pour lesquels Peiresc professait une délection particulière; c'étaient les conservateurs de sa bibliothèque."

Quel contraste entre ces fouillis et la belle ordonnance des cabinets (33) vers lesquels se pressent les hommes de qualité- grands seigneurs, étudiants de haute lignée, universitaires de renom- qui pratiquent au XVIIe siècle le "tour d'Europe", sans lequel il n'est pas de parfaite éducation.

Il est clair que les antiquités, les livres, les médailles et les naturalia entassés à Aix sont parfaitement à leur place dans l'inventaire mental de leur possesseur, qui voyant en chacun d'eux l'élément d'une chronologie, la preuve d'une théorie scientifique, préfère la vérité historique à la recherche de la rareté; c'est ce que met en lumière la réflexion à Claude Menestrier à propos de l'enthousiasme que celui-ci avait manifesté pour une monnaie peu commune: "C'est ce que je ne considère guère pour ma curiosité, car je n'y regarde guère que l'histoire et ce qui y peut servir. C'est pourquoi je ne m'amuse pas à faire des suites impériales de médailles grecques, ni de colonies, ains je les range selon l'histoire" (34). Un homme qui considère ses collections comme les supports et les preuves de ses recherches scientifiques, ne se soucie pas plus d'en dresser le catalogue que de les présenter au public en forme de "musée".

Mais on comprend qu'il ait, dans l'intérêt précisément de ses curiosités, fait dessiner les spécimens qui appartiennent à des séries qu'il souhaite compléter. C'est ainsi qu'il convient, à n'en pas douter, d'interpréter les dessins du cabinet Peiresc, reliés en deux volumes in-folio et qui se trouvent au département des Estampes de la Bibliothèque nationale de France. L'un de ces volumes renferme les images des vases auxquels Peiresc s'intéressait particulièrement du fait de ses études concernant les mesures de capacité romaines (35).

A côté des dessins d'objets qui lui appartiennent figurent ceux des vases conservés dans d'autres collections- vase du trésor de Saint-Denis, du trésor de Saint-Marc, "vase des saisons" de Gaston d'Orléans. Autant de "documents" sur lesquels doit reposer la vaste recherche qui passionne Peiresc et qui pourraient figurer comme illustrations indispensables dans une étude définitive qui, naturellement ne sera jamais écrite, mais dont tous les éléments se retrouvent dans l'immense correspondance peirescienne qui est consacrée aux poids et mesures.

C'est à n'en pas douter sous forme de dessins et de gravures que Peiresc entendait livrer au public savant les pièces maîtresses de sa collection. Ce qui lui permettrait évidemment, de pratiquer une sorte d'échanges, lui-même s'efforçant d'obtenir de ses confrères collectionneurs les figurations de spécimens indispensables à ses travaux.

M. Schnapper a bien saisi cette démarche. Il a pris soin de relever dans la correspondance les noms de ses artistes familiers. Mettons naturellement à part Rubens, non seulement à cause de sa célébrité, mais parce que, lui-même collectionneur, il parle d'égal à égal avec le prince des curieux. Mais on connaît aussi Jean et Daniel Rabel, Mathieu Frédeau, le moine augustin, le Père Jean de Saillant (Giovanni Saliano) et le Toulousain Jean Chalette. Et aussi, et surtout Claude Mellan, à qui Peiresc fait spécialement confiance, mais qui, venu à Belgentier en 1636 (un an avant la mort de Peiresc) pourra seulement dessiner les premières cartes de la lune, à la requête de son hôte (36).

Que reste-t-il donc pour connaître le contenu exact de la collection de Peiresc? Eh bien, il reste deux inventaires et une description.

Le premier inventaire est conservé à la Bibliothèque de Carpentras, c'est le numéro 1869 de la Bibliothèque Inguimbertine: "Inventaire du cabinet de M. de Peiresc"; il est composé de 124 feuillets et fait partie du fonds Mazaugues (37) (fig. 21). Le second conservé au Département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, sous la cote ms. fr. 9534, s'intitule: "Invantaire des médailles, graveures, pierres prétieuses et poidz antiques du cabinet de feu M. de Peiresc" est composé de 92 feuillets et provient de la collection de Michel Bégon (1638-1710) (38). La description est l'ouvrage de François Chapard: Fabriciani cimeliarchii Promptuarium triceps, paru à Aix, en 1647, petit livret de dix- huit pages in-4°. On peut se demander s'il n'a pas été écrit du vivant de Peiresc, comme le laisse entendre la première ligne de l'ouvrage.

"Quoiqu'il appartienne au seul Peiresc de décrire en le classant dans l'ordre voulu presque tout le matériel qui subsiste de l'Antiquité, cet essai pourra néanmoins fournir une utile introduction..." Le système de classement n'est pas nécessairement celui que Peiresc eût choisi. Ce n'est pas une liste complète, mais un guide qui énumère les principales caractéristiques du cabinet: les objets sur papier et membrane (plutôt que littéraires), sur pierre, en métal ou sur métal.

C'est la matière subjective qui est mise en valeur. Ce classement nous paraît singulier, mais dont il reste quelque chose, puisque nous distinguons: l'épigraphie, la paléographie, la papyrologie, alors qu'il ne devrait y avoir qu'une seule et unique science de l'écriture, ce que suggérait toute l'oeuvre de Jean Mallon.

Peiresc ne s'occupait pas de reconstituer l'ordre de l'univers, qui était l'affaire de Dieu, mais de percevoir et d'expliquer des faits et des phénomènes.

******** 

Quelque soit le système de classement adopté, il existe un résidu dans la collection Peiresc, les mirabilia - tout ce qui est singulier, bizarre (crocodile, momie, caméléons, alzaron, chat angora...) C'est par ce goût qu'il partage avec les collectionneurs de son temps que Peiresc, homme dont la modernité stupéfie se rattache au passé et apparaît aussi comme un homme de l'âge "maniériste". En dépit de ce caractère indéniable, il se détache à l'évidence du peuple des collectionneurs. Même si elle satisfait une curiosité universelle, la collection n'est entre ses mains qu'un instrument, pas une fin en soi et surtout pas une satisfaction d'amour propre, une simple vanité d'esthète.

Peut-on, comme le fait M. Schnapper, lui reprocher de n'avoir pas divulgué ses connaissances en publiant le résultat de ces recherches? Certes, mais le cas de Peiresc n'est pas exceptionnel. Ni Pinelli ni Dal Pozzo n'ont publié sous leur nom ou même n'ont rien publié du tout. Il en est de même pour les grands mécènes de l'érudition au XVIème siècle. Quant au seigneur de Belgentier le reproche peut être largement atténué quand on pense à toutes les recherches qu'a provoquées, stimulées et contribué à faire aboutir cet homme de l'ombre qui tirait tant de satisfaction de la réussite des autres et, sans le percevoir peut-être nettement, du progrès de la connaissance (39).

 

APPENDICES

I

Carpentras, Bibliothèque Inguimbertine, ms. 1869

f.1:   
"Inventaire des médailles, graveures, pierres pretieuses de poidz antiques du cabinet de feu Monsieur de Peiresc, dont la plus part se trouvent cottées de sa main".
 
f.37v:  
Une sphere d'argent qui se porte en bague
Esmail rouge antique gravé des armes de feu mon frere
Vase en amethyste du cardinal Barberini.
 
f. 38:  
Une boite ovale blanche sur laquelle est escript:"Le Livre qui a été trouvé dans le pied de bois d'une momie"
     Poids d'Aleandre (40)...
 
f. 38v:  
Une boite blanche cottée W: le vase d'albastre avec des chaisnes d'or du cardinal Barberini
Un petit cadenas à la turquesque avec sa clef empreinte du silene jouant de deux fluttes organisées tirées du grand cristal antique de Mr de Roissy
Une patène antique de cuivre dont mon frere faisoit tant d'estat. (41)
 
f. 43:
Une boite sur laquelle est escript: " CONCHAE ANATIFERAE Ex Oceano Brittanico seu Nortmannico 1606."
Une autre boite sur laquelle est escript: "CONCHAE ANATIFERAE maris Mediterranei"
Une autre boite sur laquelle est escript: " fleurs petrifiées "
 
f. 93:
Une boite pleine de bois petrifié et aultres curiosités
 
f .93v:
Quatre boetes de tulipes
Une boete de graines de fleurs
 
f . 123:
"BRITANNICAE CONCHAE ANATIFERAE Petri et Mathiae de Lobel ..." (42) (fig. 22)
 
f. 124:
"CONCHAE ANATIFERAE, quae extat Monspelii in Museo Laurentii Jouberti medici regii, accurata ex utraque parte, cum pedicello tereti, cavoque delineatio."
"CONCHAE ANATIFERAE, ex ea quae ad Jo. Vincentium Pinellum olim pertinuit, nunc Aquis Sextiis apud N. F. adservatur, accuratior exquolibet latere delineatio" (43) (fig. 23).
 

Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 9534:

"Invantaire des medailles, graveures, pierres pretieuses et poidz antiques du cabinet de feu Mr de Peiresc" et de quelques autres cabinets d'Aix. (Du Périer, Sibon, abbé de Borrilly, Rascas de Bagarris, Toussaint Lauthier).
 
f. 22:
"Graveures antiques qui sont en 10 divers pacquetz cottez comme cy dessus..."
 
f. 22v:
"Un autre paquet contenant 26 graveures en divers papiers au premier desquelz il y a une grande graveure intitulée IAW. SA/BAWQ. A/ DONH. KAI./ QALASSA. K/AI. TOU TARTAROU. SKO/TIN"44 (44)  (fig. 24).
 
f. 27:
"Vazez antiques d'argent: bronze, albastre, amethiste, presme d'esmeraude et d'autres diverses mathieres"
 
f. 29:
"Pieces destachées"
Le trepied antique de bronze
L'Abacus antique fort rare...(45)
Diverses pierres, congelations et raretés de mer, avec des coraux rouges, blanc et noir de diverses façons et differantes productions
Quantité de petriffications de differantes fueilles d'arbres, de fruictz, fleurs, poissons, coeurs de mer, herissons, escrevisses, langues de poissons, champignons, os humains, espées, fer de cheval, hamessons et autres rarettez
Deux cornes de liepvre
Un tableau de la main de Mr Rubens representant l'Apotheose d'Auguste tiré de l'original qui est en agathe à la Sainte-Chapelle de Paris (46)
Un autre tableau de la main de Mr Nicolas de l'Apotheose d'Auguste vivant tiré sur l'original de l'agathe qui est aujourd'hui au cabinet de l'Empereur
Un autre tableau de grizaillle representant le vase tres rare du cardinal del Monte
Un autre representant la façon des mariages et nopces des anciens avec plusieurs autres des hommes illustres de Sicile
Un autre tableau de la main de Chalette representant les comtes de Thoulouse

f. 44:

"Inventaire du cabinet de feu Mr l'abbé de Bourrily (47), d'Aix-en-Provence, consistant en anciennes medailles tant en or, qu'en argent, en medailles modernes et monnoyes, statues, vases, urnes, pierrres gravées, tableaux, et plusieurs autres choses naturelles et artificielles".

f. 54:

Congelations de mer, poissons et animaux:
"Une grande roche de congelation marine avec diverses branches de corail de diverses couleurs et coquillages qui y sont attachés...
Quatre crocodiles, un fort grand et trois moindres
Trois lézards de l'Amérique
Un grand poisson de cinq pieds de longueur appelé ange...
Un chat marin
Deux mains de sirenne
Un poisson de l'Amérique dit Orbis...
La teste d'un diable de mer
Un poisson dit la scie ou poisson-espée
Le basilic, l'hirondelle de mer- estoile - marteau et autres divers poissons"

f. 54v:

"Le Baudrier et ceinturon du sacre de Louis XIII, d'argent" (48) (fig. 25)
"Coffret qui contenait le baudrier et le ceinturon d'argent" (49) (fig. 26)

f. 55:

Tableaux:
"Le Portrait de Rubens peint par Vandic de trois pans deux tiers d'hauteur, sur deux pans et demi de largeur..." (50)

 

II

Menestrier de sortibus Praenestinis  (51)

"Sortium oraculum, vel antiquissimum, vel certe omnium clarissimum, Praeneste primo fuit. Docet Cicero, secundo de Divinatione, quo loco disputat contra sortes. Videamus, inquit clarissimarum sortium quae tradatur inventio. Numerium Suffucium Praenestinorum monumenta declarant, honestum hominem et nobilem, somniis crebris, ad extremum etiam minantibus (sic), cum juberetur certo in loco silicem caedere, perterritum visis, irridentibus suis civibus, id agere coepisse. Itaque perfracto saxo sortes erupisse in robore insculptas priscarum literarum notas. Is est hodie locus septus religiose propter Jovis pueri, qui lactens, cum Junone in gremio Fortunae sedens, mammam appetens, castissime colitur a matribus. Eodem tempore illo loco ubi nunc Fortunae sita aedes est, mel ex olea fluxisse dicunt, aruspicesque dixisse summa nobilitate illas sortes futuras, eorumque jussu ex illa olea arcam esse factam, eoque conditas sortes, quae hodie Fortunae monitu tolluntur. Quid igitur in his potest esse certi; quae Fortunae monitu pueri manu miscentur atque educuntur? quomodo autem istae positae in illo loco? quis robur illud caecidit, dolavit, insculpsit (sic) (52). Et paulo post. Sed hoc quidem genus divinationis vita jam communis explosit fani pulchritudo et vetustas Praenestinarum etiam nunc /(f. 27v) sortium retinet nomen, atque id in vulgus quis enim magistratus aut quis vir illustrior utitur sortibus, certis vero in locis sortes plane refrixerunt. Haec postrema praesertim verba philosophi sunt adversus sortes conficientis. Nam revera deinceps in honore maximo sortes sunt habitae. Suetonius de Tiberio; Vicina vero urbi oracula etiam disjicere conatus est, sed majestate Praenestinarum sortium territus, destitit, cum obscignatus devectasque Romam non reperisset in arca, nisi relatas rursus ad templum (53). De iisdem Praenestinis in Domitiano (54) cf. Statius.

Et Praenestinae poterant migrare sorores (55).

Nam ibi Fortuna sub imagine duarum sororum colebatur, ideo et Fortunae dictae, quarum simulachra, ut ait Macrobius promovebantur ad danda responsa (56).

Aliae vicinae urbi sortes fuere Caeritum, Faleriis, Antii. De primis Livius et Plutarchus. De Antiatinis Suetonius in Caligula; monuerunt et sortes Antiatinae ut a Cassio caveret, cf. Horatius.

O Diva, gratum quae regis Antium (57).

Fortuna enim Antiatina praeerat et ipsa sortibus, colebatur que sub duarum item sororum effigie Martialis.

Seu tua veridicae poscunt responsa sorores,

Plana suburbani qua cubat unda freti (58).

Et universe fortuna sortes regere credebatur, quia sortes erant quae manu moverentur, sive tesserae ducerentur ex urna et tabellae sive / (f. 28) tali in alveum mitterentur, sive jacerentur in fontem, modo id fortuito et casu fieret. Sed nobis sermo est de sortibus quas puer mittebat in urnam, movebat, et ducebat.

Ambigitur autem ex qua materia hae ferrent, qua forma fingerentur. Lipsius, sortes, inquit, taleolae aut sarculi e ligno fuere, non grandes, quibus literae ad divinandum insculptae, sive notae. Eae privatim habitae, eae publice. Quae in publicis, in primis religiosae censebantur, et cana quadam vetustate sacra. Itaque sancte et religiose in templis ipsis habebantur, in arca reconditae, et nisi fallor teniis vittisque lancis seorsum involutae. Hac de causa locis Livii notatis citatis, in quibus legimus, Caere extenuatas sortes, et sortes sua sponte attenuatas, ipse legendum putat extaeniatas, nempe sponte evolutas et exutas vittis, quasi fortunae ipsius sparsae manu et jactae fuissent. Lipsio Ludovicus Cerda lib. VI. Aeneid.(59) et Julius Caesar assentiuntur tabellas aut taleolas fuisse. Et quidem eas sortes non tam sarculos aut taleolas, quam potius tabellas, et quasi assulas, et breves regulas, fuisse dixerim. Nam Cicero loco citato ait fuisse caesas et dolatas ; sarculi autem simplices rami aut ramusculi sunt detracti ab arbore; taleolae vero frustra ligni praescisa et aspera ad serendum. Quod si sortes his similes damus, dolatae non fuissent aut exaequatae, et minus capaces litterarum. Sint igitur potius tabellae ac regulae breves. Et ea materia primum lignea, ut idem tradit Cicero sed postea ex alia fuisse quis dubitet? Nam cum usus sortium / (f. 28v) propter superstitionem percrebuisset, multi etiam privatim domi suae habebant ut futura divinarent. Et quid esset agendum ex suo ipsi oraculo discerent. Quare ut diuturniores essent, et corruptionis expertes, non modo e ligno sed aere, aut alio metallo factae sunt grammateia apud Plutarchum sortes sunt; quo nomine non solum tabellae ligneae, in quibus scribere solebant, sed quidvis aliud scripturae capax et litterarum significatur. Cujusmodi sunt aere incisa legibus, populi scitis, senatusconsultis. Nec dubito quin si citati auctores vidissent aenas tabellas sortibus inscriptas, quae Romae effodiuntur, quin idem quod nos affirmassent.

Ceterum in iis tabellis aliquid notatum erat, aut sculpta vel incisa verba, quae fere ex se nihil significarent, sed ad mentem consulentis traducta, aut accommodata ad tempus locum per aliud portendere videbantur, hujusmodi est apud Livium sors loco citato, quae excidit circa initia Punici belli secundi, Mavors telum suum concutit, et illa in templo Fortunae Praenestinae Alexandro Severo data ex Virgilii verbis,

Si qua fata aspera rumpas,

Tu Marcellus eris. (60)

Ejusmodi sunt verba iis tabellis exhibetis exposita, quae Romae nuperrime fecere inventae; ex quibus conjicere licet eas aeneas brevesque regulas verbis notatas sortes antiquis fuisse" (fig. 27).


1 C'est en 1634 que Peiresc projeta avec Gassendi de dresser un atlas de la Lune. Il fit d'abord appel au peintre Claude Salvat, puis, l'année suivante, à Claude Mellan (1598-1688) pour graver au burin les différentes phases de la Lune. Il s'adressa également au peintre parisien Mathieu Frédeau. Mais en 1636, Mellan de retour de Rome, observe chez Peiresc la Lune et la grave dans les premiers mois de 1637. Le 2 juin 1637, Peiresc écrit à Cassiano dal Pozzo que Mellan part pour Paris expressément pour imprimer ces planches. "Peiresc et Gassendi n'étaient pas les premiers astronomes à dessiner la lune. Dans ce travail comme pour beaucoup d'autres, ils suivaient un chemin indiqué par Galilée auquel nous pouvons ajouter d'autres noms comme Thomas Harriot (c. 1560-1620), qui fit le tout premier croquis de la lune connu le 5 avril 1609... Mais Gassendi et Peiresc semblent avoir été les premiers à imaginer un atlas lunaire et une sélénographie complète et utilisable. Leurs travaux s'intègrent dans le projet de Galilée et de ses émules de dresser une histoire exacte du ciel..." (Anthony Turner, Pierre Gassendi, explorateur des sciences. Catalogue du musée de Digne 1992, pp. 144-146.). Voir aussi O. Van De Vyver, s. j.," Lunar Maps of the Seventeenth Century," Vatican Observatory publications, t. 1, n° 2 (1971), pp.69-83; William B. Ashworth, Jr, "The Map of the Moon of Gassendi, Peiresc and Mellan", Annales de Haute-Provence, 1993, t. 113, n° 323-324, pp. 341-352; Ewen A. Whitaker, "Selenography in the Seventeenth Century", dans Planetary Astronomy from the Renaissance to the Rise of Astrophysics. Part A. Tycho Brahe to Newton, ed. René Taton and Curtis Wilson, Cambridge University Press (Mass.), 1989, pp.119-143; ejusd. , Mapping and Naming the Moon. A History of lunar Cartography and Nomenclature, Cambridge ( Mass.), 1999, en part. pp. 17-35.      (RETOUR)

2 Pour la terminologie du Museum au Pandechion Epistemonicon, voir l'essai de Paula Findlen: "The Museum: its classical etymology and Renaissance genealogy" dans Journal of the History of Collections, I, n° 1 (1989), pp.59-78.      (RETOUR)

3 Voir aussi: Barbara J. Balsiger, The Kunst-und Wunderkammer: A Catalogue raisonné of Collecting in Germany, France and England, 1565-1750, Univ. of Pittsburgh, PH.D., 1970; Oliver Impey et Arthur MacGregor, ed. The Origins of Museums. The Cabinet of Curiosities in Sixteenth and Seventeenth Century Europe, Oxford, 1983 (1985); Adalgisa Lugli, Naturalia et Mirabilia. Il Collezionismo enciclopedico nelle Wunderkammern d'Europa, Milan, 1983; Krzysztof Pomian, Collectionneurs, amateurs et curieux, Paris, Venise: XVI-XVIIe siècles, Paris, 1987; Antoine Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe. Collections et collectionneurs dans la France du XVIIe siècle. I. Histoire et histoire naturelle, Paris, 1988; Journal of the History of Collections, Oxford, 1989 (semestriel); Macrocosmos in Microcosmo. Die Welt in der Stube. Zur Geschichte des Sammelns 1450 bis 1800, herausgegeben von Andreas Grote, Opladen, 1994; Expos. De wereld binnen handbereik, Amsterdam, 1992; Giuseppe Olmi, L'inventario del mondo. Catalogazione della natura e luoghi del sapere nella prima eta moderna, Bologne, 1992.      (RETOUR)

4 A. Schnapper, op. cit.,p. 40.      (RETOUR)

5 Suit l'énumération des catégories de documents et de pièces: 800 livres manuscrits...330 médailles d'or antiques grecques et romaines", etc. Ibid., p. 247.      (RETOUR)

6 Ibid.      (RETOUR)

7 Ibid. p.239.      (RETOUR)

8 Ibid.      (RETOUR)

9 Ibid.      (RETOUR)

10 Abbé L. Roques, "Lettres de Nicolas-Claude Fabri de Peiresc, conseiller au Parlement d'Aix, à Bernardin de Corneilhan, évêque de Rodez, au sujet de certains livres du cardinal G. d'Armagnac, d'après les manuscrits conservés à la Bibliothèque de Carpentras (février 1628-juin 1636)", Mémoires de la Société des Lettres, sciences et arts de l'Aveyron, t. 22, 1928, p.214.      (RETOUR)

11 Ph. Tamizey de Larroque, éd. Lettres de Peiresc, Paris, 1888-1898, t.V, p. 61.      (RETOUR)

12 Ibid.,V, p.50 (à Guillemin, 29.X.1632). Le rôle de collectionneur de Cassiano dal Pozzo vient d'être présenté au public au cours de l'exposition qui s'est tenue à Rome (Galleria nazionale d'arte antica. Palais Barberini. 29. X. -26. XI. 2000): "I segreti di un collezionista: le straordinarie raccolte di Cassiano dal Pozzo 1588-1657" sous la direction de Francesco Solinas (Rome, De Luca, 2000).      (RETOUR)

13 A. Schnapper, op. cit., p. 239.      (RETOUR)

14 P. Gassendi, Viri illustris Nicolai Claudii Fabricii de Peiresc, senatoris Aquisextiensis vita...La Haye, A. Vlacq, 1651 (2e éd.), Liv. V, p. 476; éd. de 1655, p. 323; trad. Roger Lassalle, Paris, 1992, p. 259.      (RETOUR)

15 Ce dessin (plume, encre, lavis brun sur papier préparé) est conservé à la BnF, ms. Dupuy 667, f. 111. Francesco Solinas l'a identifié comme étant de Pietro Testa et l'a comparé à l'autre version autographe. Ce dessin du relief découvert au Palais Farnèse est conservé à la Royal Library du château de Windsor (8284) . Dans la partie inférieure, nous voyons le sacrifice d'expiation d'Hercule auprès d'Héra; dans la partie supérieure, son apothéose. Le relief sculpté fait aujourd'hui partie des collections Torlonia de la villa Albani, à Rome. (Cat. Dal Pozzo, op. cit., p. 55, n. 40). Pietro Testa (1612-1650) fut l'un des principaux collaborateurs du "Museo cartaceo" (cinq cents dessins sont conservés à la Royal Library du château de Windsor). C'est à partir de 1628-1630 qu'il travailla activement pour le collectionneur romain. Le dessin de Pietro Testa est incomplet: les inscriptions des deux petites colonnes, à gauche comme à droite et celles du piédouche supportant le trépied, manquent. Au XVIIIe siècle, Antonio Francesco Gori édita les Inscriptiones antiquae de Giovanni Battista Doni (Florence, 1731). Dans ce recueil apparaît la fameuse table de marbre du Palais Farnèse, avec ses inscriptions: "Romae, in museo Farnesiano Tabula marmorea Herculis expiationem, et gesta referens". La restitution de l'épigraphie grecque est donnnée avec sa traduction en latin (pp. 32-36) et vis-à-vis de la p. 37 est reproduite la planche gravée par Gaetano Piccini, "Tab. VI", dédiée au marquis Vincenzo Riccardi. Sur l'angle droit en haut de la planche, on lit: "Herculis expiatio et gesta duabus columnis incisa memoratis à Gassendo in Vita Peirescii pag. 328 (sic) relatis à Tollio et Reinesio novissime autem à Sponio in Miscellaneis pag. 47". Dans une note de la page précédente, Gori dit qu'il a tenu compte des restitutions de ses prédécesseurs, mais critique Jacob Spon. Il a ajouté l'interprétation de Salvini.      (RETOUR)

16 De famille génoise, il s'établit à Padoue en 1558. Les restes de sa bibliothèque aujourd'hui dispersés se partagent entre la Bibliothèque Ambrosienne de Milan et la Marciana de Venise. Après sa mort, sa bibliothèque fut expédiée à Venise et de là par mer sur trois navires en partance pour Naples, qui furent victimes de pirates: de trente trois caisses, vingt-deux furent récupérées. Parmi les disparues: huit de livres, deux d'illustrations, une d'instruments de mathématiques.      (RETOUR)

17 Il augmenta les collections de son père Francesco Contarini. De 1595 à 1596, il est chargé par le Sénat d'organiser le musée archéologique, dont le noyau provenait des collections de Giovanni Grimani. Il laissa son cabinet d'antiquités à son neveu Carlo Ruzzini.      (RETOUR)

18 Voir le ms. fr. 9530 de la BnF., f.56: "In tabula eburnea apud Ricardum Ricardi, Florentiae, 1600".      (RETOUR)

19 K. Pomian, Collectionneurs...op. cit.,pp.106-107.      (RETOUR)

20 Ibid., pp.105,107-109.      (RETOUR)

21 Le cadet plus célèbre, membre en 1610 de l'Académie des Lincei, auteur de La Magie naturelle (1589) et d'un traité de physiognomonie.      (RETOUR)

22 Ph. Tamizey de Larroque, Lettres de Peiresc, op. cit.,t.V, à Menestrier, p. 548 (29.VI.1628).      (RETOUR)

23 Edition napolitaine (nella stamperia di Porta Reale) de 1599 en 28 livres in-fol. En 1635, on pensait encore que le véritable auteur était Nicola Antonio Stigliola (1546-1623). Le fameux cabinet de curiosités de Ferrante Imperato fut décrit par Giulio Cesare Capaccio, Historiae Neapolitanae..., Naples, 1634, p. 867. Voir aussi: E. Stendardo, "Ferrante Imperato. Il collezionismo naturalistico a Napoli tra' 500 e '600 ed alcuni documenti inediti" dans Atti e memorie dell'Accademia Clementina", n. s., 28-29, 1992, pp. 43-79.      (RETOUR)

24 Natalizio Benedetti détenait une fameuse "patère", que nous appellons aujourd'hui miroir étrusque et qui représente l'ambassade de Mercure à Pâris Alexandre. Il provient de Préneste et passa dans les mains de Francesco Angeloni à Rome. Actuellement, il est conservé à Berlin (Staatliche Museen, Antikenmuseum). Plus tard, en 1633, Claude Menestrier donnera à Peiresc un miroir étrusque trouvé dans une tombe près d'Orvieto et que l'on peut voir aujourd'hui au département des Médailles de la BnF (cat. des bronzes, n°1333).      (RETOUR)

25 Peiresc possédait trois ouvrages de Pignoria qu'il fit relier ensemble en maroquin rouge, avec encadrement dit à la Du Seuil (Paris, BnF, Rés. livres rares, J. 1302 (1-3). Le premier: Vetustissimae tabulae aeneae sacris Aegyptiorum ... antiquis sigillis gemmisque selectiora quaedam ejus generis et veterum haereticorum amuleta exhibentur. Venetiis, apud Joannem Rampazettum, 1605. Pignoria y a fait graver des pierres et des pièces archéologiques de son cabinet et de celles de ses amis: quatorze pierres gnostiques de celui de Peiresc, cinq de Lelio Pasqualini et une de Natalizio Benedetti. Peiresc les a rehaussées de lavis, selon leurs couleurs originelles et a inscrit à l'encre brune, au desssous d'elles, les initiales de leurs possessseurs (fig. 5).      (RETOUR)

26 Gassendi, Vita Peireskii, op. cit. liv. I (1602), pp.72-73. Trad. Lassalle, p. 61. Ulysse Aldrovandi (1522-1605) qui donna en 1603 à sa ville l'ensemble de ses collections n'était pas seulement un naturaliste, fondateur de "l'orto botanico" de Bologne (1568), mais un amateur d'antiquités qui rédigea un guide de Rome: Di tutte le statue antiche, Venise, G. Ziletti, 1556, in-12, publié à la fin du livre de L. Mauro, Le antichità della città di Roma... Voir: I. de Conilhout, "Les collections encyclopédiques et leurs catalogues, du milieu du XVIe au début du XVIIIe siècle"dans le catalogue de l'exposition de la Bibliothèque nationale de France Tous les savoirs du monde...sous la direction de Roland Schaer, Paris, 1996, pp. 278-319, en part. p. 292-293, n. 50-55 b.      (RETOUR)

27 A. Quint, Cardinal Federico Borromeo as a Patron and Critic of the Arts and his Musaeum of 1625, New York, 1986.      (RETOUR)

28 Carpentras, Bibl. Inguimbertine ms. 1821, ff. 334-340, ms. 1869, ff.334-334v. Voir aussi: H. D. Schepelern, "Naturalienkabinett oder Kunstkammer: Der Sammler B. Paludanus und sein Katalogmanuskript", dans Nordelbingen, Beiträge zum Kunst- und Kulturgeschichte, 50, 1981, pp. 157-182.      (RETOUR)

29 Jacob Rathgeben, Index rerum omnium naturalis a Bernardo Paludano...collectarum, Tubingen, E. Celly, 1603.      (RETOUR)

30 Le frontispice gravé par Pierre Isselburg (Ysselburg ou Eisselburg), dessinateur et graveur au burin (Cologne, 1568 ou 1580 - Nuremberg, 1630) illustre le cabinet de curiosités de l'apothicaire et botaniste B. Besler (Nuremberg, 1561-1629), qui commente à un visiteur ses naturalia. C'est la première évocation -en Allemagne- d'un cabinet de curiosités. Sur les vingt quatre planches de ce livret in-4°, légendées en latin et en allemand, quatre sont consacrées aux animalia, six aux marina, deux aux conchilia, six aux lapides, six aux fructus. Trois ans auparavant, Besler qui avait créé un jardin botanique pour le prince-évêque d'Eichstatt, le fixait pour l'éternité dans son Hortus Eystettensis, Nuremberg, 1613, 4 vol. in fol. C'était à l'époque le plus bel ouvrage sur la botanique. (Plus de 1000 fleurs y étaient représentées).      (RETOUR)

31 Lettre de Peiresc à André Venot, 26. IV. 1635 (Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 1876, f. 528v). En réalité, le nautile gravé à l'indienne figure au fol. XI de l'exemplaire de la BnF, mais peut-être celui de Peiresc était-il relié différemment.      (RETOUR)

32 Aujourd'hui on a restitué la paternité de l'ouvrage à Pietro Castelli (de Messine), Exactissima descriptio rariorum quarundam plantarum quae continentur Romae in horto Farnesiano, Tobia Aldino, Roma, typ. Jacopo Mascardi, 1625, in-fol. Cet exemplaire en maroquin rouge figurait dans le catalogue 137, n° 3 (1974) de la vente Kraus à New York. Le dessinateur a été identifié d'après un exemplaire ayant appartenu à Francesco Ligozzi sur l'ex-libris duquel Peiresc a ajouté "figlio di Giacomo authore de disegni". Par la suite, il appartint à la collection privée d'un libraire de Hambourg.      (RETOUR)

33 Le célèbre musée du P. Athanasius Kircher (1602-1680), protégé de Peiresc à partir de 1633, devait combiner l'aspect hétéroclite d'un bric- à -brac de l'âge baroque et l'ordonnance d'un théâtre du monde de l'âge classique. Ce musée encyclopédique (pièces archéologiques, ethnologiques, d'histoire naturelle...) fut légué au Collège romain. L'ordre des Jésuites fut supprimé en 1772 et le musée Kircher passa sous la direction du Vatican. En 1825, le Collège romain fut restitué aux Jésuites et le musée fut dirigé jusqu'en 1860 par le P. Machi, numismate et épigraphiste. En 1873, le Musée Kircher devient musée d'Etat. En 1912 il disparaît en tant qu' institution et les collections sont dispersées. En 1914, les collections étrusques entrent à la villa Giulia. Actuellement, les vestiges de ce musée sont partagés à Rome entre la Villa Giulia (salles 12-16), le Musée des Thermes et le Palais Massimo. Voir: G. de Sepibus, Romani Collegii Societatis Jesu Musaeum celeberrimum, Amsterdam, ex off. Janssonium, 1678, in-fol.; Filippo Bonanni, Museum Kircherianum..., Rome, G. Placchi 1709, in-fol.; T. Leinkauf, "Mundus combinatus und ars combinatoria als geistesgeschichtlicher Hintergrund des Museum Kircherianum in Rom", dans A. Grote, éd. Macrocosmos in Microcosmo, Opladen, 1994, pp. 535-553.      (RETOUR)

34 Ph. Tamizey de Larroque, éd. Lettres de Peiresc, t. V, pp. 514-515 (31. III. 1627).      (RETOUR)

35 Ce recueil est conservé à Paris, BnF, Rés. Estampes Aa 53 et Aa 54. Le premier volume provient de l'abbé Michel de Marolles et présente des reproductions de vases antiques; le second provient d'Henri du Bouchet et l'on y rencontre le plus grand nombre d'objets ayant appartenu à Peiresc. Ces deux volumes ont été étudiés, mais partiellement reproduits - 24 planches seulement - par Joseph Guibert, Les dessins du cabinet Peiresc au Cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale, Paris, 1910.      (RETOUR)

36 Voir la note n. 1.      (RETOUR)

37 Voir dans les appendices quelques extraits de pièces archéologiques et de naturalia.      (RETOUR)

38 Voir dans l'appendice I, des extraits mentionnant une amulette magique, des bronzes antiques, des naturalia, des tableaux et un coffret en maroquin du cabinet de Boniface Borrilly.      (RETOUR)

39 Le tout récent ouvrage de Peter N. Miller, Peiresc's Europe: Learning and Virtue in the Seventeenth Century, New Haven et Londres, Yale University Press, 2000, retrace la personnalité intellectuelle de Peiresc.      (RETOUR)

40 En 1625, Aléandre vient en France dans la suite du cardinal Francesco Barberini et offre à Peiresc une pile antique: "J'avoys entr'aultres choses eu un assortiment de poids antiques fabriquez en forme de petits godets ou escuellons, qui se rangent l'un dans l'aultre (comme ceux des pilles communes de poids de marc)..."Voir dans le ms.fr. 9532 de la BnF, f. 181v, le brouillon autographe de Peiresc à Rubens de déc. 1634; A. Bresson, éd. N. C. Fabri de Peiresc, Lettres à Claude Saumaise et à son entourage, 1620-1637, Florence, Olschki, 1992, p. 18 n. 14. Le Landesmuseum de Mayence possède un ensemble de poids (inv. R. 2263) qui ressemble fort à la pile de Peiresc. Sa copie en bronze (inv. n° 5577) est conservée au Römisch-Germanisches Zentralmuseum de Mayence. Je remercie respectivement le Dr Michael Klein et le Dr Ernst Künzl de leur obligeance.      (RETOUR)

41 Supra, n.24.      (RETOUR)

42 Page avec dessin de la main de Peiresc, extraite de l'ouvrage du médecin lillois Matthias de Lobel (1538-1616) et du médecin provençal Pierre Pena, Stirpium adversaria nova. Cette petite dissertation sur les conques anatifères (ad calcem operis) a été copiée par Peiresc lui-même sur l'édition londonienne de 1570 (colophon : Londini, 1571, cal. januariis) ainsi que l'illustration. On voit ici des crustacés accrochés au rocher par leur pédoncule et l'on imagine suivant la légende du XVIe siècle que les valves de ces crustacés s'ouvrent, laissant tomber des semences dans l'eau, ou sur les matières putrides, qui par un effet de génération spontanée, engendrent des canards, d'où l'étymologie de porte-canard ou anatifes. Cf. Claude Duret, Histoire admirable des plantes et des herbes esmerveillables et miraculeuses en nature: mesmes d'aucunes qui sont vrays zoophytes ou Plant'animales, Plantes et animaux tout ensemble, pour avoir vie vegetative, sensitive et animale...Paris, chez Nicolas Buon, 1605; Sébastien Münster, Cosmographia. Beschreibung aller Lender, Bâle, H. Petri, 1544; Guillaume de Saluste Du Bartas, La Seconde Semaine, Premier jour, livre I, Eden, éd. par Y. Bellenger, Paris, S.T.F.M., Klincksieck, 1991, vers 577-582. Voir aussi: Frank Lestringant, "L'art imite la nature, La nature imite l'art: Dieu, Du Bartas et l'Eden (Seconde Semaine, Premier jour)". Actes du Colloque Du Bartas, poète, encyclopédiste du XVIe siècle, publiés par James Dauphiné, Lyon, 1988, pp. 167-184.

Les Français dénomment ces crustacés des macreuses ou sapinettes, les Anglais des barnacles et les Bretons, des clakis . "Il y en a non seulement en Ecosse, mais aussi sur la Tamise". Ils se présentent comme des moules. Peiresc a ajouté entre crochets des détails qui ne figurent pas dans l'édition de 1570, mais dans celle de 1576. Par exemple: "Nous connaissons d'autres canards, un oiseau maritime très semblable, mais plus petit, de couleur brune, au bec d 'oiseau jaune safran."

Dans la Vita Peireskii (livre II, année 1604), Gassendi nous dit que Peiresc recueillit des objets du plus grand prix "entre autres choses des conques de je ne sais quelle espèce, à l'occasion desquelles il écrivit à Pena, un médecin: s'agissait-il de la conque anatifère, de forme analogue à la moule?". Voir aussi: Paris, BnF, ms. Dupuy 663, f. 70 v:"Il (Edmond Bruts) disoit que les barnacles ou conches anatifères se trouvent ordinairement sous les navires qui viennent des Indes les plus esloignées et qu'il s'en trouve quelquefois qui montrent les jambes hors de la coquille, et d'autres qui monstrent les ailes et d'autres un petit col mais non liquet. Monsr Pena le medecin n'ose pas asseurer qu'elles soient vrayment anatiferae, et n'a rien observé qui le puisse faire plus aisement croire, que ce qu'il s'en est imprimé dans son Adversaria".      (RETOUR)

43 Peiresc a dessiné trois conques anatifères présentées sur leurs deux faces. La première qu'il avait sans doute observée - alors qu'il achevait ses études de droit à Montpellier (1603) - dans ce qui restait du cabinet de Laurent Joubert (1529-1583), chancelier de l'Université, qui non seulement possédait un cabinet d'histoire naturelle, mais également un cabinet de curiosités (pierres gravées et autres antiquités). Thomas Platter, qui visite ce cabinet le 9 août 1596, "décrit une trentaine de curiosités naturelles: onocrotale (pélican), alcyon, caméléon, crocodile, oie d'Ecosse, côte de baleine, tortue, le poisson nommé coque de mer, écume de mer, mandragore, pierre d'aigle, pierres tirées de corps humains, monstres divers..." (A. Schnapper, p. 221). Mais Peiresc n'a pu voir le cabinet d'antiques qui avait été partagé dès 1594 entre le connétable de Montmorency et Jacques de La Fin. Les restes du cabinet, ceux que Peiresc a vus furent achetés dans les années 1613-1615, pour 900 livres à ses descendants par Pierre Richer de Belleval (1564-1632), fondateur du jardin des plantes de Montpellier qu'il aménagea en 1593 et auquel était attaché un cabinet de curiosités. Ce cabinet disparut pendant les troubles du siège de 1621-1622.

Les deux autres anatifes (à droite du feuillet) appartenaient à Jo. Vincent Pinelli. Peiresc nous apprend qu'il les détient aujourd'hui chez lui, à Aix. Nous avons là une information directe de ses premières acquisitions de "naturalia" pendant son séjour padouan. Voir aussi A. Schnapper, op. cit., pp. 76-77.      (RETOUR)

44 L'hématite qui est décrite au f. 22v est mentionnée dans la correspondance qu'il adressa à Saumaise le 14. XI. 1633: "J'en ay recueilly prez de 200 pieces (pierres gnostiques)...dont le caractere est grec, mais les parolles sont bien souvent d'autres langues orientales et particulierement de l'hebraïque, syriaque, phenicienne, egyptienne ou autres corrompues...Entr'autres, j'ay une Aematites au revers de laquelle. est escript... " Cette amulette magique avec au droit Vénus est conservée aujourd'hui au Département des Médailles de la BnF sous la cote n. 2239 du catalogue de Chabouillet. Voir A. Bresson, éd., op. cit., pp.32-34, n. 15-16 , p. 64 et 417.      (RETOUR)

45 A la BnF sont conservés le dessin de l'abaque (Est. Rés. Aa 54, f. 102) et l'objet (Méd. n. 1925 du cat. des bronzes).      (RETOUR)

46 Cette apothéose de Germanicus fut peinte par Rubens en 1626. Elle fut achetée en 1989 par l'Ashmolean d'Oxford (A 1169).      (RETOUR)

47 L'abbé Michel Borrilly, fils du notaire Boniface Borrilly (Aix, 1564-1648), ami de Peiresc. Il meurt 40 ans après son père (1688) et l'inventaire dressé ne permet pas de distinguer les nouvelles acquisitions. Voir: A. Schnapper, op. cit., pp.241-243.      (RETOUR)

48 Le 4 novembre 1622, Boniface Borrilly fait les honneurs de son cabinet à Louis XIII. Il devient conseiller et secrétaire ordinaire de la Chambre du roi. Louis XIII lui offre le baudrier de son sacre. L' événement fut célébré par des vers : Le Baudrier du sacre de Louis le Juste XIII de ce nom roy tres-chrestien de France et de Navarre, Aix, Jean Tholosan, 1623 , dans un "recueil in-quarto de soixante-seize pages, où plus de onze cents vers grecs, latins, italiens, espagnols, provençaux et français chantent la gloire du notaire, les louanges du souverain, et l'imprévu de l'aventure" (P. Humbert, Un amateur: Peiresc 1580-1637, Paris, 1933, pp. 152-154). Voir aussi: A. Schnapper, op. cit., p. 241.      (RETOUR)

49 Nous n'avons plus trace du cadeau royal, mais le Musée Paul Arbaud d'Aix-en-Provence détient son réceptacle en maroquin rouge au chiffre de Louis XIII (28 x 22,4 x 6, 54 cm). Suivant la tradition, c'est Peiresc qui se chargea de le faire exécuter pour y placer le baudrier. Un semis de fleurs de lys et de L couronnés orne la reliure. Au centre du plat supérieur, on lit sur un cartouche: "MDCXXII. /CINGVLA QVI SVPPLEX VENIS HVC VISVRE SACRATVM/A IVSTO HOCPIGNVS REGE BORILVS HABET. /B. DE VIAS / CE PETIT COFFRE EST TREZ AVGVSTE /PARCE QV'IL PORTE AVECQVES SOY /LE BAVLDRIER QVE LOUYS LE JVSTE /PORTOIT LORSQV'IL FVT SACRE ROY. / A REMY". Je remercie M. Jean-François Maurel, conservateur de l'Arbaudienne de son obligeance.      (RETOUR)

50 Ce tableau faussement attribué à Van Dyck est en fait un autoportrait de Rubens (identifié en 1877 par A. Michiels). Peiresc le reçut en 1630 après bien des années d'attente. Il le légua à Boniface Borrilly. Il demeura dans la famille Borrilly jusqu'en 1821, puis passa dans celle de La Lauzière. Il y a plus d'une décennie, il fut acquis par l'Australian National Museum de Canberra (David Jaffé, "The First Owner of the Canberra Rubens, Nicolas-Claude Fabri de Peiresc (1580-1637) and his Picture Collection", Australian Journal of Art, vol. V, (1986), pp. 22-45; ejusd.,Rubens's Self-portrait in Focus, Brisbane, 1988, pp. 59-63).      (RETOUR)

51 Paris, BnF, ms. Dupuy 667, ff. 27-28v. Nous présentons ce texte qui accompagne le dessin d'un "sors" ou oracle que Claude Menestrier envoya en 1634 à Peiresc. Dans une lettre adressée à Claude Saumaise du 22. V. 1634, Peiresc signale: "par les mesmes galleres qui avoient porté à Rome le comte de Nouailles, entr'autres curiositéz que j'aies receües de ce pais là avec ceste patere etrusque, l'on m'a envoyé une petite plaque de bronze qui n'est guieres moins antique, où est escript une espece de responce d'oracles, ou de sortileges ..." Une copie de ce texte est conservée dans le ms. Dupuy 461 de la BnF, aux ff. 123 et 126, de la main de Pierre Dupuy. Le dessin grandeur nature, reproduit avec la plus grande exactitude au f. 46 du ms. 1876 de la Bibl. Inguimbertine de Carpentras m'a permis de retrouver au Département des Médailles de la BnF, l'oracle en bronze de l'antiquaire aixois (cat. des bronzes n° 2299). Voir A. Bresson (éd.), op. cit., pp. 107-109 et 417.      (RETOUR)

52 Ces douze lignes sont extraites du De divinatione, 2, XLI, 85-86. Quelques leçons diffèrent de l'édition de Arthur Stanley Pease, M. Tulli Ciceronis, De Divinatione libri duo (University of Illinois Studies, VI-VIII, 1920-1923, réimpr. Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1973,), lib. secundus, XLI, 85-86, pp. 489-495 ; Cicéron, De la divination, trad. et commenté par G. Freyburger et J. Scheid...Paris, 1992, p. 147; J. Champeaux, Le culte de la Fortune à Rome et dans le monde romain. I, Rome, 1982, 17-23 (Collection de l'Ecole française de Rome, n°64), ; Henri Lavagne, Operosa antra. Recherches sur la grotte à Rome de Sylla à Hadrien, Rome, 1988, pp. 231-237 (Bibl. des Ecoles fr. d'Athènes et de Rome, fasc. 272). L'édition de Nisard (1850) comme celle de Pease donne la leçon d'inscripsit et non d'insculpsit.      (RETOUR)

53 Suétone, Vie des douze Césars, Tome II. Texte établi et traduit par H. Ailloud, Paris, 1957, p. 50, LXIII, 4-8 (Tibère).      (RETOUR)

54 Suétone, Ibid.,Tome III... Domitien. Texte établi et traduit par H. Ailloud, Paris , 1932, p. 95, XV, 6.      (RETOUR)

55 Stace, Silves, t.I (livres I-III). Texte établi par Henri Frère et traduit par H. J. Izaac, Paris, 1992, p. 34, livr. 1, III, 79-80, et n. pp. 142-143.      (RETOUR)

56 Macrobius, Aur. Theodosii Macrobii...Opera... cum notis integris Isacii Pontani, Io. Meursii, Jac. Gronovii, Lipsiae, imp. G. Theophili Georgi, 1774, in-8°, p. 335.(Saturn. Lib.I, 23); Macrobe, Franciscus Eyssenhardt recognivit, Lipsiae, Teubner, 1868, p. 127, XXIII, 13-14.      (RETOUR)

57 Horace, Odes et épodes. Texte établi et traduit par F. Villeneuve, Paris, Les Belles Lettres, 1954, p. 47, I, XXXV, v.1.      (RETOUR)

58 Martial, Epigrammes, tome I (livres I-VII). Texte établi et traduit par H.J. Izaac, Paris, 1930; p. 147, lib. V, 1, v. 3-4. Au vers 3, l'édition Budé donne la leçon de discunt et non de poscunt.      (RETOUR)

59 Le P. Juan de La Cerda, s.j. , Comment. Virgile, Vergilii Maronis opera quae quidem extant omnia, cum... doctis in Bucolica, Georgica et Aeneida commentariis Tib. Donati et Servii Honorati... a Georgio Fabricio, ... primo collectis et emendatis... Basileae, per S. Henricpetri, 1613, in-fol. à 2 vol., in-fol., col. 988b.      (RETOUR)

60 Ibid., col. 1110 b ; Virgile, Enéide, livres V-VIII. Texte établi et traduit par Jacques Perret, Paris, 1978, livre VI , v. 882-883: "Heu, miserande puer, si qua fata aspera rumpas! Tu Marcellus eris. Manibus date lilia plenis" .      (RETOUR)

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