CONFERENCES "GRAND PUBLIC"
Accueil à l'Herbarium du Campus Platon
L'estimation de l'état de santé des rivières
Les thérapies de l'avenir : génique, cellulaire…
1604 - 2004, Peiresc le politique, Peiresc l'Européen
La biodiversité végétale
L'origine de l'Univers
Peiresc et la Géologie
 
Accueil à l'Herbarium du Campus Platon
 

Orateur :

Professeur Jean Lejoly (Université Libre de Bruxelles)

Lieu :

Annot (Campus Européen Platon)

Date :

30 mai 2004 (9-18 h)

Compte rendu :
 
Nous avons accueilli une vingtaine de visiteurs à l'herbarium dont une dame habitant Annot et qui nous a apporté une plante que nous connaissions mais qui ne figurait pas encore dans la collection d'herbier (Tulipa australis, espèce rare sur le sommet du Cordoeil) aussi nous avons fait un nouvel herbier avec le nom de cette dame comme récolteur (elle était très contente).
 
Rappelons que la salle de biodiversité végétale du Campus Européen Platon à Annot a été réalisée dans le but de faciliter les études environnementales futures dans le cadre des activités du Campus Peyresq-Annot de l'Université Libre de Bruxelles.
En consultant les herbiers, il est possible de vérifier le nom d'une plante par comparaison. Actuellement, l'herbarium contient les principales espèces de la région (environ 1.500 espèces), et il reste encore des espaces libres pour accueillir des collections nouvelles.
La salle de biodiversité est accessible sur demande à toute personne intéressée par la diversité végétale ou qui souhaite mettre un nom correct sur une plante particulière.
Cette salle est donc à la fois un point focal où sont rassemblées les connaissances du passé et un lieu d'accueil pour les collections futures. C'est aussi un lieu de travail idéal pour le présent puisque s'y trouvent binoculaire, ordinateur et flores nécessaires pour effectuer directement une identification scientifique des plantes. Elle constitue donc un tremplin pour de nouvelles études basées sur la biodiversité végétale et est déterminante pour générer des recherches futures sur la gestion durable du patrimoine naturel de la région.
Cette salle contient 12 armoires avec 9 étagères chacune de 1,20 m de long contenant chacune 4 paquets d'herbiers soit 432 paquets d'herbier de 20 plantes soit environ 8.000 plantes. Deux grandes collections y sont actuellement entreposées :
- la collection du professeur Duvigneaud et de ses chercheurs a surtout été effectuée entre 1954 et 1980 et se rapporte principalement aux Alpes-Maritimes.
- la collection du professeur Lejoly comprend 3.000 échantillons d'herbiers récoltés entre 1967 et 1975 dans la vallée de la Vaïre et les Alpes de Haute-Provence, correspondant à environ 1.000 espèces différentes.
Les plantes sont classées par ordre alphabétique des familles, des genres et des espèces. Ces herbiers ont été récoltés à toutes les périodes de l'année, dans des endroits parfois difficilement accessibles et ont été déterminés avec précision.
L'estimation de l'état de santé des rivières
 

Orateur :

Professeur Guy Josens (Université Libre de Bruxelles)

Lieu :

Colmars-les-Alpes (Salle polyvalente)

Date :

2 juillet 2004 (18 h)

Compte rendu :
 
Les cours d'eau sont parmi les écosystèmes les plus durement atteints par les activités humaines. Toutes les rivières ne sont pas au même stade de dégradation, et si des mesures énergiques sont appliquées (stations d'épuration,...), elles peuvent plus ou moins bien se restaurer. Différentes méthodes existent pour apprécier leur "état de santé". Les méthodes biocénotiques (basées sur la communauté d'organismes vivant dans la rivière et sur la présence de bio-indicateurs) ont fait l'objet de normalisations et sont utilisées depuis près de 20 ans dans des programmes régionaux et nationaux de surveillance. La conférence a mis l'accent sur la méthode "IBGN" utilisée en France et ses avantages et inconvénients par rapport aux méthodes chimiques. Elle a placé aussi cette problématique dans la perspective de deux outils installés par l'Union Européenne, à savoir Natura 2000 et la Directive Cadre sur l'Eau.
 
  Le Verdon en aval de Colmars


Les thérapies de l'avenir : génique, cellulaire…
 

Orateur :

Jacques Berlo (Pharmacien-Biologiste)

Lieu :

Saint-André-les-Alpes (Salle polyvalente)

Date :

5 juillet 2004 (18 h)

Compte rendu :
 
• La pharmacogénétique
 
• La thérapie cellulaire
 
• La thérapie génique
 
Quelques-unes des thérapies de l'avenir basées sur la connaissance génétique des mécanismes pathologiques ont été présentées.
La pharmacogénétique consiste à étudier les polymorphismes génétiques contribuant à la variabilité de réponse vis-à-vis d'un médicament et ainsi assurer une efficacité optimale lors de l'administration de ce médicament.
La thérapie cellulaire fait appel à l'utilisation de certaines cellules spécifiques du patient pour se défendre contre ses cellules cancéreuses (macrophages, cellules dendritiques, ..).
La thérapie génique est le remplacement d'un gène soit manquant soit déficient dans sa fonction par un gène ou partie de gène fonctionnel introduit dans la cellule par un vecteur et ainsi apporter une réponse à une maladie génétique telle que le diabète.
1604 - 2004, Peiresc le politique, Peiresc l'Européen
 

Orateur :

Nicole Dhombres (Docteur en Histoire)

Lieu :

Annot (Campus Européen Platon)

Date :

9 juillet 2004 (17 h)

Compte rendu :
 
Lorsque le 23 janvier 1604 Nicolas-Claude Fabri de Calas obtient son diplôme de docteur en droit à l'université d'Aix, il a 23 ans. Un érudit italien rencontré deux ans plus tôt à Padoue lui avait dédicacé son ouvrage en ces termes : « au génie de la Gaule Narbonnaise, à l'intelligence et à la mûre valeur de Nicolas Fabri, d'âge qui pourtant n'est pas mûr ». Si l'on en croit l'érudit, c'est donc un homme mûr qui entre en politique en 1604, d'abord en tant que commensal et ami d'un proche du roi de France, le premier président du parlement de Provence, Guillaume du Vair. Celui-ci l'emmène dès 1605 à Paris, où il rencontre les hauts dignitaires du pouvoir, avant de l'envoyer en mission en Angleterre pour accompagner l'ambassadeur de France accrédité auprès du nouveau souverain Jacques Ier. Outre les érudits et parlementaires londoniens, Peiresc fréquente le souverain en personne, et contribue personnellement à conforter l'entente cordiale entre les deux pays, décidée par Henri IV et Elizabeth I dans les dernières années de son règne. Pour Peiresc, ce voyage initiatique n'est que le prélude à un grand tour de l'Europe, en fait l'Europe des capitales intellectuelles et politiques, ces deux éléments n'étant jamais dissociés dans son esprit. Autant dire que les principales étapes de ce tour européen se situent dans ce que nous appelons aujourd'hui l'Europe de l'Ouest.
Entrer en politique, qu'est-ce à dire en 1604 ? C'est d'abord pénétrer dans un domaine exclusivement réservé à une petite élite sociale, essentiellement l'aristocratie, et ceci est vrai pour toute l'Europe.C'est ensuite accepter l'idée que la souveraineté est l'apanage de l'état qu'on appelle alors République, même si la monarchie absolutiste en constitue le modèle presque exclusif. En ce qui concerne les structures, si les termes de partis politiques ou de droite et de gauche sont totalement anachroniques, il existe bel et bien une ligne de fracture créée par le cataclysme de la Réforme au 16ème siècle. D'un côté, les conservateurs, tenants du pouvoir de l'Eglise et de la suprématie papale, du catholicisme romain et de ses positions intellectuelles et sociales, positions actualisées par les décrets du Concile de Trente. L'Espagne et l'Italie sont les poids lourds de ce camp. De l'autre, des esprits et des états transformés par la Réforme et qui ont payé cher leur droit à l'indépendance. L'Angleterre, les Provinces-Unies, et la Suède sont au premier rang.
Comment situer Peiresc dans ce contexte politique européen ? D'une part, il est l'ami personnel du pape Clément VIII et du jésuite Bellarmin ; de l'autre celui de Grotius et de Scaliger …Ce que l'on peut dire pour les années 1604, c'est qu'il est politiquement bien à l'image de son roi, Henri IV, lequel rêve d'unifier l'Europe protestante et l'Europe catholique dans une seule entité qui a pour nom la communauté européenne. Une communauté qui reposerait sur le principe des nationalités, l'égalité entre les puissances, et la renonciation au droit de conquête. Une confédération d'états souverains, cimentée par des valeurs culturelles et religieuses communes, structurée par des institutions elles aussi communes dans les domaines politique et militaire.Tel apparaît dans ses grandes lignes le dessein de Henri IV et de Sully, longuement exposé dans les Mémoires de ce dernier. Dessein qui n'est autre que le premier projet de constitution européenne, en quelque sorte sa première mouture historique élaborée au cours de ces années où Peiresc s'initie à la fois à la politique et à l'Europe.
Un fanatique religieux mettra fin, en 1610, à cette magnifique ouverture sur le destin de l'Europe. Et il faudra attendre 2004 pour que le projet devienne enfin réalité. Mais dès les années 1604, en mettant toute son énergie dans la construction tant politique qu'intellectuelle de l'Europe, Peiresc fait figure de précurseur. Un précurseur de génie.
 
Nicole Dhombres
Docteur en Histoire
La biodiversité végétale
 

Orateur :

Professeur Jean Lejoly (Université Libre de Bruxelles)

Lieu :

Annot (Campus Européen Platon)

Date :

16 juillet 2004 (18 h)

Compte rendu :
 
La diversité biologique se manifeste par le nombre d'espèces mais aussi dans le patrimoine génétique de chacune d'elles et dans la composition de chaque écosystème.
Les perturbations jouent un rôle fondamental dans l'apparition de la diversité, tant dans toute l'histoire de son évolution qu'actuellement au niveau des paysages.
La grande biodiversité végétale dans les Alpes trouve son origine principale dans les grandes variations d'altitude mais aussi dans la succession des climats au cours des derniers millénaires et dans l'action de l'homme qui a depuis 200 ans modifié les végétations en équilibre avec le climat.
La salle de biodiversité végétale du Campus Platon d'Annot rassemble des échantillons des principales espèces présentes dans le pays des 3V et constitue un outil précieux pour l'identification du patrimoine végétal et de sa conservation.
 
La salle de biodiversité végétale du Campus Platon d'Annot   

L'origine de l'Univers
 

Orateur :

Professeur Edgar Gunzig (Université Libre de Bruxelles)

Lieu :

Peyresq (Maison Leonardo da Vinci)

Date :

28 août 2004 (20h30)

Compte rendu :
 
Je ne sais plus quelle circonstance m'avait laissé vacant ce soir-là à Peyresq alors que mon emploi du temps habituel est plutôt du genre optimisé.
Arrivé à hauteur de la maison Leonardo da Vinci, je tombai sur une animation insolite pour cette fin août. Une conférence peut-être ? Je m'approchai de l'affiche apposée sur la porte. "L'origine de l'Univers, par le professeur Edgar Gunzig". On changeait de monde, on zappait vers les cimes. Voilà qui réclamait mon attention. J'entrai malgré la douceur du soir et le ciel étoilé.
Il y avait un monde fou dans la salle ouvrant largement sur la vallée de la Vaïre. Je dus faire lever une demi-rangée pour atteindre une chaise libre d'où il serait tout à fait impossible de m'extraire si le sujet devenait casse-pied. Mais au nombre des amateurs qui avaient accouru des vallées avoisinantes, on pouvait juger la conférence particulièrement prometteuse.
Déjà assis derrière une table et concentré sur ses notes, dont il ne tournait pourtant pas les pages, se tenait un homme auréolé de boucles blanches, complètement indifférent au brouhaha.
Dès qu'il ouvrit la bouche, je tombai sous le charme. Je parle non de son charme à lui, car sa personnalité restait dissimulée sous le discours, mais de l'invraisemblable attrait qu'il conférait à la physique. Je suis obligé de le reconnaître : comprendre la gravitation universelle, ce soir-là, fut un intense moment de mon existence.
Après un rappel en douceur des lois de la gravitation, Edgar en montra les limites. Pour progresser, il transforma la table en un univers courbe (1) et y fit apparaître Einstein. Avec lui il généralisa les lois (2) énoncées, aborda le fameux Big Bang originel qu'il remit au placard des théories dépassées et nous déposa enfin en plein vide quantique pour esquisser l'origine de l'Univers.
La conférence devait se terminer à dix heures. A dix heures trente Edgar parlait toujours, et à onze heures, le public continuait à lui poser des questions. On eût dit que chacun voulait résoudre le fin mot de la création avant le prochain lever de soleil.

Jean-Paul Capron

(1) Un univers courbe
(2) Equation de la relativité générale
(NDLR : ces lignes sont largement inspirées par les premières pages du roman "Relations d'incertitude" - Ed. Ramsay - de Elisa Brune et Edgar Gunzig, tant l'analogie avec l'atmosphère de la conférence de Peyresq est vive)
 
En écho à nos interrogations, Edgar nous résuma sa conférence dans un jeu de questions-réponses. Nous ne pouvons résister à vous livrer ce texte inédit à votre gourmandise.
 
Comment le Cosmos est-il né ? Qu'est-ce que le Big Bang ? Quel rôle joue Einstein dans notre compréhension actuelle de l'Univers? Quel est le lien avec la physique quantique ?
 
La cosmologie classique, de Copernic et Newton jusqu'à l'aube du 20ème siècle, s'est efforcée de décrire l'Univers sans que la question des origines ne se pose scientifiquement. Celle-ci restait "l'affaire de Dieu".
Le concept de cosmogenèse n'entra dans le domaine scientifique qu'à partir du moment crucial et surprenant pour les physiciens où il devint évident que l'univers était évolutif et qu'il avait donc une histoire. Cela se produisit en 1929 lorsque Hubble découvrit expérimentalement l'expansion de l'univers que l'on se représentait jusqu'alors comme figé, statique et immuable. Un défi majeur posé dès lors aux physiciens fut de prévoir l'évolution future de l'Univers, notre avenir cosmologique, mais également de comprendre le début de son histoire, la cosmogenèse.
Cette découverte de Hubble qui marqua un tournant profond dans nos représentations du monde fut aussi à l'origine d'un "drame" qui se joua dans les coulisses de la théorie qu'Einstein avait élaborée entre 1912 et 1915 pour décrire le phénomène gravitationnel : la théorie de la relativité générale. Cette théorie marqua une révolution conceptuelle majeure en physique car elle "physicalisait" pour la première fois l'espace et le temps eux-mêmes : ils cessaient d'être un simple cadre de référence passif, une scène de théâtre dans laquelle se joue l'aventure du monde mais, au contraire, ils devenaient eux-mêmes des acteurs actifs de cette aventure. Du point de vue de cette théorie, la gravitation ne fait que nous traduire de manière visible une propriété invisible et insoupconnée jusqu'alors de l'espace et du temps, l'espace-temps : sa courbure !. Les planètes de notre système solaire cheminent le long de trajectoires incurvées et les objets tombent à la surface de la terre non pas parce que la terre les attire mais parce que la terre incurve l'espace-temps.
Du coup, tous les corps matériels ainsi que les rayons lumineux suivent les "rigoles naturelles" qui s'impriment dans cet espace-temps courbé. Mais qui est responsable de cette courbure? Pourquoi l'espace n'est-il pas plat comme l'Homme l'avait toujours imaginé comme une évidence ? Ce sont les astres eux-mêmes qui incurvent leur environnement, le contenu (matériel et lumineux) incurve le contenant spatio-temporel dans lequel ils évoluent. Les équations d'Einstein traduisent en termes mathématiques ce lien entre la géométrie et la matière. Cette théorie représente donc bien plus qu'une "simple" explication de la gravitation : c'est une théorie de l'espace et du temps au sein de laquelle la gravitation trouve naturellement son origine.
 
Quel est ce drame produit par la découverte de l'expansion de l'Univers au sein de cette remarquable théorie, de quoi s'agit-il ?
Quels sont les bouleversements que cette théorie amenait à la compréhension de l'Univers ?
 
Ces deux questions sont intimement liées et s'articulent autour de ce "concept" de Big Bang qui a tellement frappé les esprits que son véritable sens s'en est trouvé perverti. La nouvelle description du Monde que proposait Einstein ne pouvait, en dépit de sa beauté conceptuelle, réellement prétendre au statut de nouvelle théorie physique que si elle expliquait non seulement des phénomènes astronomiques jusqu'alors incompris mais aussi, si elle prévoyait des phénomènes totalement imprévus. La relativité générale réussit ce double examen de passage. Elle expliqua un phénomène curieux et inexplicable par la "bonne vieille loi de la gravitation universelle de Newton", attaché à la trajectoire de la planète Mercure, et elle prédit le phénomène inédit de la déviation des rayons lumineux par le soleil qu'ils frôlent.
Alors, pourquoi ne pas extrapoler à l'échelle de l'Univers ce qui fonctionnait si bien à l'échelle "locale" du système solaire ? Bien sûr, on n'avait à l'époque aucune vue d'ensemble de l'Univers, mais la tentation était trop forte et Einstein, le premier, s'engouffra dans cette voie. Le grand Einstein était néanmoins piégé par le consensus de l'époque et espérait donc rendre compte par sa théorie de la structure globale de l'Univers… figé et éternel, donc non évolutif, sans histoire et sans origine.
Quelle ne fut donc sa déception lorsqu'il s'aperçut que ses belles équations étaient inaptes à la description d'un tel Univers. S'il ne les modifiait en rien, l'univers qu'elles impliquaient ne pouvait que s'effondrer sur lui-même ou, au contraire, se dilater et être par cela même évolutif. Ironie du sort, Einstein se rendit compte qu'il lui restait une dernière possibilité théorique inexploitée, l'introduction d'un ajout arbitraire qui altérait un peu la simplicité et la beauté de ses équations : la constante cosmologique.
Et voilà le drame annoncé. En 1929, la découverte expérimentale de Hubble démontrait que l'Univers était évolutif et non statique et que les "bonnes" équations d'Einstein étaient précisément celles qu'il avait écrites dès le départ, sous leur forme la plus simple et dépouillée. En d'autres mots, Einstein était passé "à côté" de la plus grande prédiction théorique qu'il eût pu faire, celle de l'expansion de l'univers ! Il dira qu'il s'agissait là de "la plus grande erreur" de sa vie, mais il ne savait pas que, loin de représenter une erreur monumentale, sa constante cosmologique inaugurait une aventure aux multiples rebondissements qui est plus que jamais d'actualité aujourd'hui.
 
Que s'est-il passé ensuite et comment, à partir de là, est alors apparu le concept de Big Bang ?
 
Les physiciens de l'époque avaient la certitude de posséder les équations univoques qui gèrent l'Univers à grande échelle. En particulier, l'histoire cosmologique passée devrait pouvoir se lire en remontant le cours du temps vers le passé, en analysant "à rebrousse-temps" les histoires racontées par ces équations. Et ces histoires devraient alors inévitablement conduire vers leur point de départ, l'interrogation fondamentale : la Cosmogenèse.
Mais toutes ces histoires commencent dans un passé fini, par une situation singulière : toutes les caractéristiques de l'Univers, tant physiques (comme la température, la pression, la densité d'énergie) que géométriques (la courbure) deviennent simultanément infinies. Cet accident fut désigné par le sobriquet Big Bang. Il suggère &endash; mais c'est une simple image &endash; une vaste explosion impliquant tout le contenu matériel et le contenant géométrique.
Cette situation, dans laquelle toutes les grandeurs physiques deviennent infinies est, par essence, une situation non physique. Elle ne correspond pas à un état quelconque de l'Univers et, au contraire, indique précisément que les mathématiques prennent le dessus et ne décrivent plus rien de tangible. Ce Big Bang représente le détonateur mathématique d'une histoire physique. Et cette histoire physique, celle de notre univers, que l'on nomme par abus de langage "la théorie du Big Bang", ne commence dans cette description que quelques infimes fractions de seconde après. Les équations, à ce stade, nous fournissent donc une histoire sans nous donner la clef de son origine. Autrement dit, le Big Bang représente un aveu d'impuissance de la théorie.
 
La science peut-elle dépasser cette impuissance et avancer dans la compréhension des origines ?
 
Oui, et pour cela il est essentiel de comprendre l'origine de cette impuissance, donc du Big Bang. En dépit de son extraordinaire apport, la relativité générale possède une limitation de taille : elle décrit les liens qui existent entre le contenu et le contenant mais elle reste muette quant à l'origine de ce contenu. La présence de la matière (et du rayonnement) contenue dans l'univers fait partie des données que la théorie n'explique pas. Il en découle que dans l'histoire de l'Univers visionnée à l'envers, une même quantité de matière-rayonnement se trouve progressivement comprimée dans un volume de plus en plus petit, ce qui entraîne une augmentation de sa pression, sa température, sa densité d'énergie et…… la courbure qui lui est associée par les équations d'Einstein. Lorsque ce volume se trouve réduit à un seul point (pas un point particulier de l'espace mais tout l'espace ramassé sur lui-même !), l'inévitable se produit : toutes ces quantités physiques et géométriques deviennent simultanément infinies, c'est le Big Bang ! Si ce Big Bang est ainsi inévitable, il est aussi démystifié. Il apparaît comme une limitation intrinsèque due précisément à son impossibilité d'expliquer l'origine de ses constituants et a fortiori la Cosmogenèse. C'est précisément cette histoire qui porte le nom trompeur de "théorie du Big Bang".
 
Mais la science serait donc impuissante à déchiffrer la Cosmogenèse ?
 
Un des aspects le plus fascinant de la physique de ces trois dernières décennies est d'avoir progressivement pu apporter une réponse positive à cette question. Cette réponse passe par le face-à-face entre la relativité générale et le deuxième pilier fondamental sur lequel s'appuie toute la physique contemporaine, la théorie quantique. Elle correspond à une extension de la théorie d'Einstein qui emprunte à la théorie quantique ce qui lui manquait : la possibilité de créer et annihiler de la matière. Or, l'acteur central de cette démarche n'est autre que le….vide ! Non pas le vide (intuitif) de la physique classique qui correspond à l'absence de toute chose, mais le vide quantique qui est, lui, le siège d'une activité sauvage, de fluctuations incessantes et par principe inamovibles. Ce vide fluctuant quantique est l'état le plus figé dont la Nature puisse s'accommoder, celui dont le degré de vacuité ne peut être diminué. Et ce vide, c'est le point essentiel, possède donc une énergie non nulle (contrairement au vide classique), celle associée à l'ensemble de toutes ses fluctuations. Ce vide est un acteur étrange capable du pire comme du meilleur, d'une catastrophe de la physique d'aujourd'hui comme d'une voie royale vers une représentation possible de la Cosmogenèse.
 
Ne parlons aujourd'hui que du meilleur et laissons la catastrophe pour une autre fois !
 
C'est essentiellement la possibilité inattendue de concevoir l'émergence de l'Univers à partir du vide quantique dans un processus qui évite tout recours au Big Bang. C'est d'un jeu interactif extraordinairement subtil entre les fluctuations quantiques du vide et l'expansion de l'espace que naît l'Univers : l'expansion de l'espace force le vide à transformer ses fluctuations en particules donc à créer de la matière et cette matière force en retour l'espace à s'étendre. Extraordinaire serpent qui se mord la queue ! L'univers résulte dans cette image d'un mécanisme qui se déroule de manière auto-consistante, sans devoir s'appuyer sur aucun secours extérieur. L'univers qui se crée ainsi découvre en lui-même l'énergie nécessaire à l'activation de sa propre création : c'est un free lunch, disent les Anglo-saxons. De plus, la phase primordiale créationniste qui résulte de ce phénomène correspond à cette période initiale d'expansion exponentiellement démesurée, l'Inflation, dont les physiciens ont tellement besoin aujourd'hui pour concilier les observations expérimentales et les prédictions théoriques.
Ces données expérimentales résultent majoritairement de l'observation de ce qui constitue aujourd'hui la vraie mémoire de notre histoire cosmologique : le rayonnement électromagnétique fossile qui inonde l'Univers entier et qui fut produit quelques centaines de milliers d'années après l'origine. C'est lui qui est la véritable trace de l'univers primordial, qu'il porte inscrit dans ses propriétés les plus intimes observables aujourd'hui.
 

Professeur Edgar Gunzig

Université Libre de Bruxelles


Peiresc et la Géologie
 

Orateur :

Professeur Gaston Godard (Université Paris VI)

Lieu :

Annot (Campus Européen Platon)

Date :

29 août 2004 (18 h)

Compte rendu :
 
Une conférence intitulée Peiresc et la géologie s'est tenue à Annot le dimanche 29 août.
G. Godard y présenta les idées et observations sur les fossiles, les pierres et les volcans, que Peiresc (1580-1637) échangea avec de nombreux correspondants.
 
Ces érudits ne doutaient pas que la plupart des fossiles fussent d'anciens organismes marins, mais leur présence au-dessus du niveau de la mer les intriguait. Un mémoire, adressé à Peiresc et traitant des Coquilles de mer qu'on trouve en terre ferme, particulièrement en Champagne, tenta de répondre à cette question par la thèse du Déluge universel. Menestrier relata à Peiresc ses observations des coquilles marines du Monte Mario près de Rome et La Ferrière lui décrivit les coquillages pétrifiés de Chef Boutonne en Poictou.
 
Peiresc s'intéressa à certains ossements fossiles, attribués aux géants qu'évoque la Bible. Grâce à la découverte de tels restes par Thomas d'Arcos en Tunisie, à l'endroit même où saint Augustin avait observé une dent de géant, il parvint à la conclusion que ces reliques étaient celles d'éléphants.
 
Peiresc et Gassendi s'intéressèrent aussi à la coagulation et à la pétrification des roches, ainsi qu'à la formation des cristaux. Peiresc collectionna enfin de nombreuses observations sur les séismes et les volcans, en particulier sur l'éruption catastrophique du Vésuve de décembre 1631. De toutes ces observations, il déduisit une théorie de la Terre, qui supposait l'orientation des courants marins, des vents et des montagnes, selon la direction du Levant au Ponant, et qui semble lui avoir été inspirée par les nouvelles théories de Galilée sur la rotation de la Terre.
 
La conférence fut conclue par l'évocation des observations par Peiresc des montagnes, sources, grottes et fossiles de la Haute-Provence.
 

Professeur Gaston Godard

Université Paris VI