1952

Les pionniers

Georges Lambeau, directeur de l’Académie des Beaux-Arts de Namur, parcourait alors l’arrière-pays de la Côte d’Azur à la recherche d’un vieux mas. Il fallait, disait-il, que les artistes puissent, une fois l’an au moins, faire retraite en un lieu au climat vivifiant, et où les richesses naturelles du site côtoieraient de remarquables réalisations humaines. La terre de Provence, creuset de tant de formes de l’art, de l’Antiquité à la Renaissance, et génératrice aujourd’hui encore de si nombreuses vocations artistiques, était, à cet égard, le bon choix.

Et c’est ainsi qu’il finit par découvrir, à 20 km au nord d’Annot, niché à 1528 m d’altitude au flanc d’un sommet des Alpes de Haute-Provence, un petit village dont le bois de mélèze des rares toits restés intacts et les murs de pierre rude se confondaient avec la roche grise d’où étaient issus les seconds : Peyresq. Quand il l’atteint, au bout de 4 km d’une petite route de montagne qui ne mène que là, Georges Lambeau n’y trouve plus que trois habitants permanents, quelques moutons et autant de chèvres, des murs qui se lézardent, des toits effondrés.

Peyresq, pourtant, avait été vivant. Autour de sa remarquable petite église romane du XIIIème siècle au toit de pierres plates venues du Grand Coyer tout proche, s’étaient groupées en un schéma qu’on croirait dû à un urbaniste de génie, une cinquantaine d’habitations dont les différents niveaux s’accrochaient à la roche, s’appuyaient sur elle. On vivait là d’élevage et de la culture en terrasses, sous le village, et dans le hameau voisin de la Braïsse. L’hiver était rude, mais, le printemps venu, la neige ne résistait pas longtemps aux rayons d’un soleil aigu.

Des bergers montaient alors à Peyresq avec leur famille et des moutons par milliers, venus de Saint-Tropez ou de Grimaud, qu’ils rejoindraient à l’automne. Mais il fallut abandonner des terres qui n’étaient plus rentables sauf à connaître des conditions de vie d’un autre âge.

On avait compté 28 feux à Peyresq en 1471, 201 habitants en 1765, 228 en 1851. Mais en 1906 n’y vivaient plus que 108 personnes, réparties en 32 ménages.

En 1932, on ferme définitivement l’école communale, et le hameau de la Braïsse, abandonné, entame son agonie. Le recensement de 1950 ne trouvera plus à Peyresq, comme dit plus haut, que 3 habitants permanents.

Il y a donc là, quand Georges Lambeau arrive en 1952, un dernier souffle de vie. Et s’il est immédiatement séduit par ce site déserté, il se sent aussi comme investi d’une mission : ne pas laisser mourir Peyresq.

Mais il cherchait un mas, et il trouve un village. L’entreprise dépasse son propos, et ses moyens. Aussi, dès son retour en Belgique, s’ouvre-t-il de son impossible projet à un ami bruxellois, Toine Smets, épris d’humanisme et de rencontres internationales, dont il connaît les attaches avec l’ensemble du monde universitaire. D’emblée, c’est l’enthousiasme.

Pionniers

Les Pionniers et Fondateurs :
à gauche – Toine Smets, à droite – Georges Lambeau.

CV.Lambeau.R

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tous deux décidèrent d’unir leurs efforts tant financiers que techniques, pour reconstruire Peyresq, dans le but d’y réunir des étudiants, artistes et scientifiques, en un foyer d’humanisme rayonnant.

L’idée, à l’époque, était neuve et hardie. Et pourtant, dès 1953, ces deux pionniers se trouvent entourés et soutenus par des amis convaincus.

Georges avait demandé au Maire de nombreux renseignements sur le village de Peyresq, mais le Maire hésitait à lui répondre. Il avait déjà été sollicité de si nombreuses fois concernant le village de Peyresq, par exemple en 1949 par Luis Mariano.

C’est Marie, institutrice dans la vallée et seconde fille du Maire, qui insiste auprès de son père, afin qu’il réponde à Georges.

« Il faut garder le contact, dit-elle, on ne sait jamais, c’est peut-être le bon. »

A l’occasion des vœux de fin d’année 1952, dans la petite carte adressée à Toine et Mady, Georges laissait déjà planer une surprise pour ses amis.

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