Au printemps suivant, Toine entreprit le voyage à Peyresq. Le « Train des Pignes » le déposa à la petite halte de Peyresq, qui n’était plus utilisée depuis belle lurette. Difficilement il se fraya un passage le long de la rivière « Vaïre », traversa l’eau à plusieurs reprises avant d’entamer la montée par ce sentier millénaire que cette fois les genêts et les ronces avaient envahi. De temps en temps, il apercevait le village, tout là-haut, et essayait ainsi de ne pas s’égarer.
Toujours debout parmi les ruines, la jolie église romane de Peyresq, datant du XIIIè siècle.
La montée lui parut longue et dure, mais retrouvant ses qualités de sportif, arriva à la place de Peyresq où il ne découvrit qu’une seule maison habitée, celle des Imbert, Maire de Peyresq, Joseph Imbert y vivait avec sa femme et une de ses filles, Lucie.
En quelques mots il leur expliqua qu’il venait d’en bas, du fond de la vallée où coule la Vaïre. Claudine Imbert, très accueillante, lui proposa un verre d’eau fraîche avec du sirop, mais il préféra un verre de lait qu’elle lui offrit bien volontiers.
Toine buvait en souriant, tout à fait séduit par la beauté de ce site et conquis par les lieux magnifiques que lui avait fait découvrir son ami Georges, imagina aussitôt la création d’un « Centre International Universitaire ».
Quelques semaines plus tard, la visite au village de Peyresq fut décidée.
Par une lumineuse journée de mai, sous un ciel bleu, typique des Alpes de Haute-Provence, Georges embarque à St-André, dans sa voiture d’un âge respectable, Toine et Mady, arrivés de Digne par le petit train.
La montée vers La Colle St-Michel, à fleur du précipice, n’est pas faite pour rassurer les voyageurs. Mais que dire alors du petit chemin chaotique, vertigineux, étroit, reliant La Colle à Peyresq, qui en 1953 tenait plus du chemin muletier que d’une route carrossable et était dépourvu de tout arbre, laissant apercevoir un précipice et aussi un panorama prestigieux à couper le souffle !
Le Maire Joseph Imbert attendait sur la place du village pour accueillir le petit groupe.
La visite débuta par la maison au coin de la place, dont les étages étaient encore accessibles. Puis ils avancèrent avec précaution dans les éboulis, entre des murs sans toit qui créaient des ombres de fantômes.
Vers la fin de la visite, dans une très ancienne petite maison à l’entrée du village, un objet placé sur l’ancienne cheminée en bois, caché dans la poussière, difficile à distinguer dans la pénombre, attira néanmoins l’attention.
L’ayant pris en main, débarrassé avec soin de la poussière, une belle pierre plate, ovale, blanche apparût, tranchant dans cet environnement; plus stupéfiant encore fut la découverte des étonnantes inscriptions gravées par le Petit Jean et par Joseph qui n’avaient, tous deux, jamais imaginé la portée que ces inscriptions auraient un jour lointain dans le devenir de leur village de Peyresq.
Alors avec un tout naturel enthousiasme, ces inscriptions, gravées par Jean et son petit-fils Joseph, deviendront les devises de la future association, dont l’objectif sera double : reconstruire Peyresq et en faire un lieu de rencontres humanistes et internationales.
Les deux pensées guideront et motiveront l’action.
La première de Sophocle : (« Je ne suis pas né pour haïr mais pour aimer »); la seconde de Saint-Exupéry : « Si vous voulez que les hommes s’entendent, faites-les bâtir ensemble ».
Dès juillet 1953, une petite équipe de l’Académie de Namur arriva à Peyresq dans une camionnette bien remplie et entreprit courageusement de déblayer le sol, d’une des maisons encore debout, mais couverte par le souvenir du passage de milliers de moutons.