1965-1966

Depuis quelques années déjà, nous précise notre architecte Pierre Lamby, le village avait eu l’occasion d’accueillir d’éminents professeurs de sciences naturelles séjournant à la Colle St-Michel, le hameau voisin. Ils attirèrent l’attention sur l’extraordinaire richesse entomologique et botanique de la région. Dans un rayon relativement restreint (± 5 km) vers les sommets ou les vallées, vers les pentes ensoleillées ou ombreuses, sèches ou humides, calmes ou venteuses, l’observateur averti peut rencontrer, sans grands déplacements, pratiquement toutes les plantes et les insectes attachés à leur pollinisation, que l’on peut découvrir en France.
Déjà le Laboratoire de Botanique de l’Université Libre de Bruxelles s’était implanté, quelques années auparavant, dans une bâtisse presque intacte, située à proximité de la Cour des Métiers. Des étudiants accompagnés de leurs assistants ou professeurs participaient, quand ils ne s’activaient pas sur les chantiers, à des randonnées d’observation, de capture et de traitement d’insectes. L’abondance des récoltes dépassa toutes les possibilités d’entreposage et bientôt s’imposa le principe d’une antenne d’entomologie et de botanique pratiquement permanente, pouvant accueillir des futurs chercheurs aux différentes périodes clef de l’année, floraison, éclosion, fécondation, etc., des multiples espèces. De toutes les maisons dignes d’être reconstruites à Peyresq, celle qui recevrait cette affectation serait une de celles à disposer d’une telle légitimité.
L’Institut Agronomique de Gembloux, selon le plan général d’urbanisme de principe, put acquérir deux parcelles contiguës : la cad. 212, dont il ne subsistait que la cave voûtée, et surtout la cad. 211, l’ancien four communal, énorme tas de pierres ou sommeillait une énigme quant à l’emplacement exact du four proprement dit, ou de ce qui pouvait en subsister.
Les fouilleurs se mirent sans trop d’appréhension à l’ouvrage. Bientôt ils rencontrèrent, sous les gravats, une masse de poussière rougeâtre : du grès d’Annot pilé. C’était déjà une indication. Cette poussière fut mise en réserve dans des sacs à ciment vides. La coupole apparut alors, intacte, suivie, à notre surprise, de la pierre massive d’entrée du four avec sa batée finement sculptée. Aucune trace de la hotte en bois qui, supposons-nous devait la surmonter, ni de la porte elle-même, d’ailleurs. La coupole surbaissée, en grès d’Annot à bandeau appareillé à sec était impeccablement conservée. D’un diamètre de près de trois mètres pour une hauteur libre de 1m20, ce four était relativement récent, le vieux four ayant explosé en 1930. (Nous avons retrouvé certains éléments concaves des bandeaux inférieurs réemployés comme pavement au début de la rue du Coulet, devant l’ancienne école).
L’ouverture d’enfournement, monolithe de 1m. de long sur 0,80 de large et 0,80 de haut posé sur un seuil massif de 0,20 d’épaisseur, présentait malheureusement un léger affaissement. Mais il fut décidé de n’y pas toucher et de reconstruire la paroi frontale directement dessus. La poussière de grès refractaire fut remise en place ainsi qu’un conduit d’évacuation des gaz détonnants branché sur l’ouverture existant au sommet de l’arche faisant linteau à la porte du four.
Le sol du local se présentait en contrebas de la rue du Four. Les clients y accédaient jadis par un escalier à vis dont les marches, énormes et trop lourdes pour être remontées, servent à présent de banquettes devant le four. Le plan de principe d’origine devait être adapté à l’affectation précise du nouvel utilisateur, nous dit l’architecte Pierre Lamby.
Dans le local laboratoire, à l’étage, au-dessus du four, le maître de l’ouvrage demanda une baie vitrée continue sur allège haute encastrant de multiples prises de courant là où il était prévu des fenêtres traditionnelles en hauteur à volets rabattants. De même, à l’étage, où il était prévu une galerie couverte qui dans le futur serait reliée à la galerie amorcée devant la maison Archimède (polytechnique Mons) il opta pour la mise à fleur extérieure du parement en moellons de l’ensemble des châssis sous corniche, ce qui aurait pour conséquences futures la rupture du soulignement horizontal des places de spectateurs lors d’animations festives sur la place. Le maître de l’ouvrage avait par la même occasion renoncé à étendre l’espace de l’étage sur la parcelle contiguë arrière, tel que le plan général de principe le prévoyait, car ces volumes sous la pente irrégulière des toitures, pris séparément, sont respectivement trop exigus. Dans le front de façades de la rue du Four, le côté HLM de la façade du laboratoire d’entomologie paraît quelque peu incongru. Mais ces remarques ont surtout été flagrantes lorsque commença la reconstruction de la parcelle voisine, la parcelle cad. 210, l’ancienne auberge du village.
Les seuls vestiges subsistants étaient un angle en pierres bleue incorporant une chatière (encore visible dans le mur), la margelle d’une citerne à eau de pluie garnie d’un bloc de grès millésimé (1876) et une mini cave à fromage encastrée dans le mur mitoyen et se prolongeant sous la propriété voisine.
Cette ruine était séparée de la maison abritant le four par une venelle très étroite, (0,70 m à mi-course et 1m aux abouts) appelée rue de la Grand Boune à propos de laquelle avait circulé jadis des rumeurs plutôt malveillantes à l’égard de ceux et surtout de celles qui se risquaient à l’emprunter.

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